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Virage à babord

Les progressistes avaient matière à se faire un sang d’encre suite au décès de Jack Layton. 

Le Nouveau Parti démocrate aurait pu sombrer avec son capitaine, sans que la vague orange ne puisse les pousser jusqu’aux rivages de la gouvernance. Mais le parti a bravé la tempête, le vent toujours en poupe.

Aussi Stephen Harper a‑t-il chargé son sous-fifre au ministère du Travail, Lisa Raitt, de tirer des coups de semonce sur la gauche. D’abord Postes Canada, puis Air Canada, la cible syndicale est assez claire merci. Sans prendre de gants, Raitt souhaite insérer l’économie au chapitre des services essentiels dans le Code du travail –ou comment neutraliser le droit de grève !

De toute évidence, les conservateurs sont décidés à protéger le fort : il n’y aura aucune reddition, aucune négociation. Comme promis, donc, le Parlement se polarise, et Ottawa pourrait bien devenir l’épitomé d’un Canada plus baveux qu’à l’habitude. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose : passée la torpeur centriste, peut-être que des lueurs de courage politique perceront le brouillard de guerre. D’ailleurs Brian Topp a été le premier à épater la galerie en prêchant une hausse générale des impôts. Évidemment, c’était un secret de polichinelle, mais pour une fois qu’on ne nous prend pas pour des gros colons !

Certes, monsieur Topp marche dans les pas des indignés. Toutefois son ambition de hausser la Taxe sur les produits et services témoigne de son sérieux : les taxes à la consommation ont beau être impopulaires, elles sont aussi les plus progressives. Courage, bon sens : même combat.

À n’en pas douter, les spin doctors de Stephen Harper vont s’en donner à cœur joie. Mais si l’antisyndicalisme fait encore des heureux, la diabolisation des impôts ne prend plus : dans le Pot-au-noir financier, mieux vaut être tous dans le même bateau que seul sur une chaloupe (chose qu’on oublie vite sous le soleil).

Dans un sens, la disparition du « bon Jack » offre au NPD l’opportunité de rester dans le feu de l’action. Avec la course à la chefferie, le parti est certain de garder un pupitre dans les médias, à défaut d’avoir son mot à dire quant à la gouvernance du pays.

Les Canadiens auront donc la chance d’être formellement introduits au b‑a ba de la social-démocratie, Canuck-style. Peggy Nash, Thomas Mulcair, Romeo Saganash, Nathan Cullen ou Paul Dewar, tous devront peindre l’horizon 2015 en orange, comme l’aurore d’un jour nouveau : égalitaire, transparent, tolérant et durable.

Bien sûr, on s’attend à désenchanter sans tomber des nues, on s’attend à ce que les feux de la rampe brûlent les ailes du parti. « Une firme proche du NPD a reçu de l’argent du fédéral pour les funérailles de Layton » apprend-on dans les journaux. Ah ! « La compagnie a réalisé le travail pour 6 000$ de moins que ce qui leur avait été alloué ». Oh…

C’est du neuf, et il faut que ça continue. Le NPD doit remuer la houle idéologique du pays pour éviter les eaux dormantes qui ont conduit nos voisins d’en bas dans le marécage. L’Institut Broadbent, ce nouveau think-tank de gauche, devrait produire les premiers remous. À nous de nager dans les vagues.


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