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Quand les colombes portaient fusil en bandoulière

Godin est un documentaire à l’image de Gérald Godin, poète et homme politique qui marqua son époque.

Gabor Szilasi, 1969. Archives nationales du Québec (OFQ)

Vous en souvenez-vous, de ce député-poète, amoureux du Québec et de la langue française, qui consacra sa vie à lutter pour l’indépendance de son pays ? Celui qui rêvait de liberté et dénonçait les injustices, celui qui faisait campagne à vélo et écoutait les gens, ou celui qui parlait sérieusement avec humour ? Vous pouvez le redécouvrir à travers un documentaire retraçant sa vie et son œuvre. On parle bien de redécouvrir car il s’agit de la première chose que l’on réalise en voyant ce film ; n personnage de premier plan méconnu et une époque que l’on oublie peu à peu.

Gabor Szilasi, 1969. Archives nationales du Québec (OFQ)

Gagnant du prix du public Télé-Québec lors des rendez-vous du cinéma québécois, le documentaire fait resurgir les images du passé, et il est difficile de ne pas frissonner à la vue des séquences d’archives historiques des émeutes de la Saint-Jean et du samedi de la matraque, de la crise de l’hôtel Reine Elizabeth et des attentats du Front de Libération du Québec, mais surtout des centaines de milliers de Québécois passionnés applaudissant leurs chefs politiques. Ce voyage dans le passé est ponctué de témoignages poignants par des personnages l’ayant connu et qui partagent leurs souvenirs. On retrouve ainsi Jacques Parizeau et Denys Arcand, mais aussi André Gervais ou Guy Godin, son frère, qui tout au long du film partagent leur vision de la marque laissée par Gérald Godin. Figure marquante de la poésie québécoise, il avait les mots pour toucher les cœurs, il savait faire de la parlure québécoise une arme, une très belle arme, reprenant les termes de joual pour les faire tinter sur un air nationaliste.

D’après lui, l’indépendance d’un peuple passe par l’indépendance culturelle, et la force d’un peuple est avant tout sa langue. Il fut le premier, comme le mentionne Jacques Parizeau au cours du documentaire, à inclure les immigrants dans cette lutte et à les faire participer, les rendre concernés et impliqués. Fervent militant de l’intégration, il en faisait le combat de tous. « Nous devons former avec les communautés culturelles un monde nouveau, une société modèle, meilleure, libre, ouverte et accueillante, dit-il, car la diversité culturelle est garante de l’enrichissement et de l’ouverture d’esprit d’une nation. » Victime des arrestations d’Octobre, qui l’indignèrent car, s’il était indépendantiste, il n’avait pas l’âme terroriste, il n’était pas homme à se laisser abattre comme le prouve sa détermination renforcée après l’échec du référendum de 1980, et son courage au travers des épreuves infligées par la maladie. Des années 60 à Trois-Rivières jusqu’à sa mort en 1994, à la veille du second référendum de 1995, images d’archives et entrevues nous montrent qu’il s’est battu sans jamais cesser d’être présent pour le peuple Québécois et sans jamais diminuer son ardeur.

Gabor Szilasi, 1969. Archives nationales du Québec (OFQ)

L’ensemble du documentaire, peu objectif politiquement, berce l’esprit nationaliste au rythme des chansons de Pauline Julien, amante et âme sœur de Godin, qui pendant trente ans l’accompagna dans ses idéaux, à la fois muse et amie, à travers leur amour passionnel. Le film transmet un dynamisme qui se termine, hélas, de manière un peu abrupte, laissant le spectateur un peu décontenancé avec une fin lente qui survient brutalement alors que l’on aimerait en entendre d’avantage. Peut-être est-ce à l’image de la mort du poète, qui survint beaucoup trop tôt quand il aurait pu faire tellement plus.


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