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Newburgh censuré, et après ?

Après la censure publique de son président, l’AÉUM est laissée dans une situation délicate. L’équipe en place parviendra-t-elle à mener à bien la mission qui lui a été confiée ? Quel sera l’impact sur les gros chantiers des quatre derniers mois de leur mandat ? Analyse.

À  une majorité d’au moins deux tiers, le conseil législatif de l’AÉUM a voté à huis clos, tard dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, la censure publique de son président, Zach Newburgh.

Selon les premiers éléments recueillis par le McGill Daily (lire leur enquête dans l’édition du 7 février), le conseil sanctionnait ainsi un conflit d’intérêts dont son président se serait rendu coupable.

David Huehn, Le Délit

La polémique a été déclenchée par la participation de Zach Newburgh à une campagne de promotion de la startup Jobbook. Il aurait fait usage de sa position de président pour vanter les mérites de la compagnie aux élus étudiants d’autres universités, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. L’aspect le plus contentieux de ce débat réside sans aucun doute dans les intérêts financiers personnels qu’il a avoué avoir reçus, sans pour autant préciser le montant de cette rémunération. Il a expliqué au Tribune avoir, depuis, renoncé à toute rétribution.

Selon certaines sources concordantes qui désirent rester anonymes par crainte de poursuites judiciaires, les débats à huis clos, qui ont duré plusieurs heures, portaient notamment autour d’une motion de destitution. Pour être adoptée, celle-ci devait être votée par deux tiers des conseillers. Une condition qui n’a visiblement pas été réunie, puisque seule une motion de censure publique a été prononcée à l’encontre de Zach Newburgh, une mesure dont la portée est avant tout symbolique. Quelles en seront les conséquences sur le fonctionnement de l’association ?

David Huehn, Le Délit

Le conseil législatif

L’organe régulateur de l’AÉUM vient donc de censurer publiquement son président. C’est d’ailleurs la seule information officielle qui a été transmise à la presse. Aucune explication n’a été donnée sur les motifs de cette décision. Il est donc difficile de savoir pourquoi le conseil a préféré la censure à la destitution.

Est-ce parce que les conseillers n’ont pas complètement perdu confiance en la capacité de Zach Newburgh à mener son mandat à terme ? Ou bien est-ce par crainte de semer le chaos au sein d’une organisation gérant plusieurs millions de dollars d’actifs ? Un peu des deux, probablement, même si le fait que Tom Fabian (VP aux Affaires internes) ait menacé de démissionner –comme le confirment des sources du McGill Daily– a sans doute pesé dans la balance.

Il demeure que le président est responsable devant les membres du conseil, seules personnes habilitées à le destituer. Il devra donc redoubler d’efforts pour regagner leur confiance et leur prouver qu’ils ont eu raison de lui donner « une seconde chance ».

Joshua Abaki (VP aux Affaires universitaires) estime que c’est peine perdue car « Newburgh a brisé la confiance par ses mensonges répétés ». Or, le président de l’AÉUM n’est nullement à l’abri d’une nouvelle motion de destitution, qu’elle soit initiée par les conseillers eux-mêmes ou par une pétition d’au moins 200 étudiants. Comme le confirment plusieurs conseillers, il est évident que le nombre de signatures aura un poids certain dans les débats.

Mais une difficulté demeure, le fait que tout se déroule à huis clos et que les membres du conseil soient constamment rappelés à leur devoir de réserve, « sous peine de poursuites judiciaires ». On se retrouve dans une situation où cette organisation a condamné les agissements de son président mais qui officiellement empêche quiconque d’informer le corps étudiant. Or, les étudiants sont ceux qui ont élu ce président et qui financent par leurs cotisations le fonctionnement de l’association, y compris le salaire mensuel de ses dirigeants. Maggy Knight, membre du conseil législatif représentant les clubs et services, explique combien « il est frustrant de devoir se refuser à tout commentaire, non seulement avec la presse mais aussi auprès de [ceux et celles qu’elle] représente ». Elle estime que « cela nécessitera une dose de courage de la part de Zach mais qu’il devrait publier les détails de l’affaire s’il veut regagner la confiance des étudiants ».

David Huehn, Le Délit

L’Administration

L’AÉUM est sur le point d’entrer dans la phase finale des négociations concernant le texte qui régit les relations entre l’Association et l’administration de l’Université, le Memorandum of Agreement (MOA), qui arrive à échéance cette année. C’est aussi avant la fin de son mandat que Zach Newburgh devra signer au nom de l’association un nouveau bail pour l’édifice Shatner. Se pose alors la question suivante : dans quelle mesure pourra-t-il se présenter à la table des négociations en représentant légitime des étudiants au baccalauréat tout en étant reconnu comme tel par l’administration ? Maggy Knight estime que « l’administration sera évidemment au courant et sans doute que ça ne donnera pas une très bonne image ». Plus tranché, Joshua Abaki estime que, par son comportement, Zach Newburgh « a ridiculisé l’AÉUM ». « Il ne devrait plus siéger au Sénat, au Conseil d’Administration (Board of Governors) au conseil législatif de l’AÉUM ni sur le comité exécutif. Pour ce qui est des négociations du MOA ou du bail, il n’a aucune légitimité pour représenter les étudiants. Il doit démissionner. »

Une chose est sûre, l’administration n’appréciera guère la mauvaise publicité induite par les articles qu’on peut s’attendre à voir paraître dans la presse locale et nationale. Maclean’s ouvrait le bal en publiant hier soir un article intitulé « McGill student president nearly impeached ».

Le comité exécutif

David Huehn, Le Délit
L’équipe des VP sera sans doute l’instance la plus affectée par cet épisode. En particulier ceux qui ne savaient rien des activités du premier d’entre eux, leur président. Il devient évident qu’il s’est creusé un fossé entre Myriam Zaidi (Affaires externes), Anushay Irfan Khan (Clubs et Services) et Joshua Abaki (Affaires universitaires) d’un côté, et Zach Newburgh, Nick Drew (Finances et opérations) et Tom Fabian (Affaires internes) de l’autre. Maggy Knight estime qu’«il est trop tôt pour savoir si l’équipe exécutive saura se réunir pour mener sa tâche à bien ». C’est en tout cas ce que Nick Drew, dont le soutien au président est de notoriété publique, dit espérer. « Honnêtement, j’ai hâte que l’on passe à autre chose. Il y aura toujours des difficultés tout au long du chemin mais j’ai confiance en notre capacité à rester professionnels jusqu’au terme de notre mandat. » Dans ces conditions, la retraite prévue pour les six membres de l’équipe avait été annulée, ceux-ci ayant refusé de partir ensemble, comme l’avait reconnu Zach Newburgh. Outre l’impact financier de cette annulation (800$), il est difficile d’imaginer cette équipe réaliser quoi que ce soit en l’état.

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D’un côté Joshua Abaki appelle clairement et sans ambiguïté à la démission immédiate de celui « qui a perdu la légitimité de diriger l’association ». De l’autre les soutiens inconditionnels que sont Tom Fabian et Nick Drew se veulent rassurant et minimisent l’importance de l’affaire. Joshua Abaki estime qu’ils « ne réalisent pas la portée ni la gravité de la faute de Newburgh ». « Sans doute aveuglés par leur amitié avec Zach ils n’ont pas condamné ses agissements. Leur jugement était altéré. Quand ils cesseront de défendre ce qui ne peut l’être, on pourra considérer travailler en équipe. »


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