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Les services alimentaires passent à la casserole

Depuis la fermeture du Arch Café, les services alimentaires de McGill sont dans le radar des étudiants. Le manque de consultation et le mécontentement des étudiants sont de plus en plus évidents. Le Délit a voulu en savoir plus sur celui qui a vendu la mèche afin de renverser cette tendance.

Morgan Boenke, étudiant à la maîtrise en biologie, a siégé comme représentant des étudiants de deuxième cycle au comité chargé d’évaluer les offres de compagnies alimentaires pour remplir les besoins du campus de l’université McGill. Déchargé de ses fonctions depuis peu, il a écrit une lettre ouverte publiée sur le site du McGill Daily pour dénoncer plusieurs failles dans le processus de sélection de la compagnie qui remplirait ces fonctions. Notamment, il a trouvé le mandat du comité trop limité, la plupart des décisions ayant été prises avant sa création, et le temps alloué pour prendre les décisions, trop court. Il a aussi remarqué les lacunes du système d’évaluation, de votes, et de rapports à la communauté universitaire. Il s’est donc senti obligé de faire lui même un compte-rendu des faits.

Mathieu Santerre

Le Délit : Pourquoi rendre ces informations publiques ?

Morgan Boenke : Seulement deux étudiants étaient impliqués dans le processus d’appel d’offres et d’évaluation des services alimentaires. Toutefois, tout le corps étudiant est affecté par les décisions prises par le comité duquel j’étais membre. C’est à cause de cet écart que j’ai trouvé important de sensibiliser autant de monde que possible à ce sujet.

Je n’étais pas d’accord avec les déclarations du seul autre membre du comité à avoir rendue publique son opinion sur la question –à savoir, M. Laperle pour l’édition du 23 avril 2010 du McGill Reporter. M. Mendelson adoptait le même point de vue que M. Laperle –voir l’édition du 2 septembre 2010 du même journal. Il était évident que les participants auraient un avis différent de ce qui a été rendu publique. Je n’ai aucun problème avec ça. Cependant, j’ai des raisons de croire qu’il y a un certain écart entre les décisions prises pendant les réunions du comité et les informations transmises à l’administration.

Bref, j’ai décidé de rendre ces informations publiques, car pour résoudre un problème, il faut posséder un certain sens de la communication, et je n’en voyais aucun jusqu’ici.

LD : Tes anciens employeurs aux services d’alimentation de McGill ont-ils réagi à ta lettre ?

MB : J’étais bénévole pour ce comité, donc mon travail n’était pas rémunéré. À ce jour, ils ne m’ont pas encore répondu.

LD : Tu dis regretter ne pas avoir pu informer les étudiants des changements qui affecteraient notre approvisionnement alimentaire, mais savais-tu ce qu’il allait advenir des cafés des Facultés de droit et de biologie ? Lorsque tu étais représentant au comité, est-ce quelque chose qui t’a empêché d’informer les étudiants des problèmes d’évaluation, de vote et de transmission des comptes-rendus ?

MB : On m’a informé assez tôt des changements qui allaient se produire dans les Facultés de droit et de biologie : en septembre ou octobre 2009. À l’époque où le comité commençait à se former, on avait déjà inclus ces emplacements dans le contrat.

Je pense que le plus gros problème, c’était que nos rôles n’étaient pas bien définis, étant donné que c’était la première fois que des étudiants prenaient part à ce processus. Je pensais que mon rôle était de trouver une manière d’évaluer les offres et de contribuer à la mettre en pratique. Je me rends compte aujourd’hui que mes responsabilités étaient en fait bien plus grandes que ce que je pensais. Les contrats de confidentialité avec les services alimentaires étaient ambigus, ce qui fait que je ne savais pas trop ce que je pouvais dire ou non.

LD : Veux-tu partager avec nous d’autres informations que tu n’avais pas le droit de divulguer lorsque tu étais tenu à la confidentialité ?

MB : Oui, mais aujourd’hui, je trouve que ce n’est plus pertinent. Ce contrat de confidentialité fait partie de la loi 65.1, une loi provinciale concernant l’embauche d’individus par des institutions publiques. Cependant, puisque notre contrat avec Aramark ne scellait pas une vente, mais un projet générant un revenu, nous n’étions pas tenus de respecter ce contrat lors de notre sélection. Je ne sais pas en quoi cela affecte la validité du contrat de confidentialité. Peut-être que ça l’annule.

LD : Si l’administration a bien modifié ce contrat, comme tu le dis, quelle est l’étendue de cette modification ?

MB : Il y a une sous-partie du contrat de confidentialité (ci-dessous) qui est assez ambiguë. De manière très littérale, je ne serais pas autorisé à vous dire où se trouvaient les toilettes du bâtiment des services alimentaires. D’un autre côté, je pourrais soutenir que quelque chose d’aussi insignifiant me pousse à diffuser ces informations, ou qu’acquérir et assimiler de l’information sont deux choses différentes. Mon interprétation du document est que toute information concernant les compagnies ayant répondu à l’appel d’offre, est couverte par le contrat de confidentialité, mais pas ce qui concerne la performance du comité. Par contre, je ne suis pas avocat.

Moreover, we will not reveal and will not make known, unless we are bound to do so, anything that we will have learned in the performance of our duties, except to the other members of this Selection Committee, the Secretary of the Committee and the ministerial authority.”

LD : Qui était ultimement responsable du modèle d’évaluation des candidatures ? Est-ce que, lors de sa création, il y a eu des désaccords entre les représentants étudiants et le personnel sur les critères d’évaluation ou sur d’autres aspects du modèle ?

MB : Le concept du modèle d’évaluation était la responsabilité de tous les membres du comité. Il a été créé via un processus démocratique et, bien sûr, certains détails ont été plus contentieux que d’autres. Mais finalement, nous nous sommes rendus comptes que nous n’étions pas contraints par le modèle d’évaluation à cause de la nature du contrat. Les problèmes les plus importants sont apparus au niveau de l’application du modèle d’évaluation parce qu’appliquer nos critères à l’information reçue par les candidats était presqu’impossible.

Chaque membre de l’équipe devait créer une grille d’évaluation numérique, puis nous nous mettions d’accord sur chaque critère d’évaluation. Nous avons du arrondir certains chiffres ou en faire une moyenne, et cela se voit dans les documents officiels. Ce qui m’embêtait, c’était l’écart possible entre les valeurs moyennes et les moyennes elles-mêmes. Les méthodes de calcul devraient peut-être être révisées par des mathématiciens.

LD : Finalement, pourquoi avez-vous choisi Aramark ?
MB : Au cours de notre dernière réunion, nous avons voté unanimement pour Aramark. Je suppose que chacun d’entre nous avait de bonnes raisons de choisir cette compagnie. Je le répète, nous n’étions pas tenus de respecter les évaluations numériques pour choisir le candidat idéal. Globalement, je pense que tout le monde voulait qu’il y ait des changements. Ça n’a pas été un choix facile pour moi ; c’est d’ailleurs pour ça que je suis revenu sur ma décision. La prochaine fois, il faudrait s’y prendre plus tôt pour déterminer des critères d’évaluation plus adéquats, car les candidats sont souvent très similaires.

LD : Dans le nouveau contrat de 2013, y a‑t-il une clause d’exclusivité, comme dans le contrat avec Aramark ?

MB : Je ne possède pas cette information.

LD : Rendre le processus transparent est une chose, mais trouver des moyens pour que les étudiants puissent véritablement influencer les processus d’évaluations, de participation et de communication du comité en est une autre. Qu’espères-tu pour 2013 ?

MB : J’espère que cette obligation de partager les informations soit explicitement incluse dans les responsabilités des étudiants siégeant au comité. Cela assurera un certain équilibre et permettra de rendre transparent le processus de comptes-rendus.

Nous avons besoin d’une plus grande interaction entre les étudiants, les services alimentaires et le Conseil d’Administration (CA). Il faudrait également qu’il y ait plus de participation étudiante bien avant que les décisions ne passent par le comité.

Le premier de nos soucis sera de voir quels emplacements ne correspondent pas aux besoins des étudiants et de résoudre ce problème. Évidemment, cela ne peut être réalisé que si plus d’étudiants participent aux décisions. Pour ce qui est du café de Stewart Bio, par exemple, j’ai appris que c’était des associations étudiantes qui s’occupaient des contrats avec les entreprises. Par conséquent, la participation étudiante est essentielle. Les modèles administratifs actuels des services alimentaires peuvent désormais se permettre de prendre des décisions avec ou sans consultation des étudiants, selon leurs politiques de gérance. Celle-ci dépend seulement du CA. Si nous sommes, comme nous le proclamons, une institution qui se préoccupe principalement des étudiants, de telles demandes envers le CA devraient par conséquent être prises en compte.

Propos recueillis par Emma Ailinn Hautecoeur, traduits par Elise Maciol.


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