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Résolution avortée

Cette année, je n’ai pris aucune résolution. J’ai toujours eu l’impression qu’une résolution de nouvelle année était, par définition, vouée à une mort certaine quelque part en février. Tous les employés de centres sportifs ou de restaurants fast food vous le diront. Voilà pourquoi l’énoncé « en 2011, je veux améliorer ma culture générale » me semble empreint d’une naïveté à la fois touchante et un peu bête.

D’autant plus que, comme nous l’avons tous constaté à un moment ou à un autre au cours de nos études, plus on en apprend sur une question en particulier, plus on réalise l’étendue de son ignorance.

Voilà un paradoxe dans lequel quelques professeurs m’ont sans complexe affirmé nager, ce qui m’a beaucoup rassurée (« Ainsi, je ne suis pas seule ! » me suis-je écriée, en extase, dans un bureau lambrissé du pavillon des Arts). Raison pour laquelle j’ai été étonnée de surprendre cette conversation entre deux individus ayant étudié au moins autant que moi :

« Toi, t’as quand même une bonne culture générale.

- Non, je ne crois pas… Je veux dire, il y a beaucoup de choses à connaître, et j’en connais si peu… D’ailleurs c’est quoi, la culture générale ? »

Question fondamentale s’il en est une. Qu’est-ce que la culture, en général ?

Tous les arts, toutes les littératures, de toutes les époques –et encore, on ne parle pas de culture scientifique ou historique… Qui, vraiment, peut se vanter d’avoir une assez bonne base de connaissances sur, en général, toute ?

S’il est une part de fausse modestie dans ce déni, j’ose affirmer que c’est surtout une question d’exactitude ; ayant un minimum de culture, on est vite mis face à l’évidence que, pour avoir un peu de culture sur tout en général, il faudrait avoir plutôt deux vies qu’une. Puis, on arrive au problème de la mesure : comment quantifier la culture ? (À part à l’aide d’un test sur Facebook, s’entend.)

On savait déjà que « la culture, c’est comme la confiture ». C’est aussi un peu comme le sens esthétique : quelqu’un qui dit avoir beaucoup de goût n’en a généralement pas. Tout comme ceux qui prétendent aimer les longues marches en forêt, les couchers de soleil et le cinéma, mais qui confondent réellement fantasmes et passe-temps.

Tout ça pour dire que, quand j’entends un commentaire du style de « oui, mais toi, tu as étudié la littérature, tu dois être très cultivée », je m’étouffe un peu avec mon cocktail, ou avec ma salive (à défaut de). Déjà, je ne connais rien à la littérature caribéenne, nord-africaine ou belge.

Et si peu, si peu sur la nôtre. Tout ceci en plus de faire preuve d’une ignorance abyssale en matière de littérature française. Si on parle de littérature anglaise, américaine ou hispanophone, j’ose à peine me permettre, de temps à autre, un petit hochement de tête. En musique, en arts visuels, en théâtre, en danse, de partout, mes connaissances sont d’une importance proportionnelle à la Terre dans l’univers.

N’allez pas croire toutefois que c’est parce que j’ai trouvé mon diplôme dans une boîte de céréales. En fait, ce serait plutôt l’inverse : on ne m’a pas permis les généralisations ou les raccourcis, on m’a appris à vérifier mes intuitions avant de les affirmer, on a fait de moi –et de bien d’autres– une lectrice professionnelle.

Alors, vraiment, la culture en général, je ne pourrais pas dire que je suis douée. Je ne sais, à toutes fins pratiques, même pas ce que c’est.


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