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Une crèche ouverte toute l’année

Servant bien davantage que des repas, l’Accueil Bonneau occupe une place importante dans le quotidien des itinérants montréalais.

L’Accueil Bonneau existe depuis maintenant 130 ans. En 1877, Joseph Vincent, un riche philanthrope, ainsi que René Rousseau, sulpicien et aumônier de la Société de Saint-Vincent de Paul, décident de dédier temps et argent aux besoins des sans-abris. Ils s’allient aux Sœurs Grises dans l’espoir de créer un mouvement d’aide qui saura apporter un peu de réconfort aux plus démunis. Avec l’hospice Saint-Charles, ils créent les prémices de ce qui allait devenir l’Accueil Bonneau.

Gabriel Ellison-Snowcroft

Malgré la fermeture de l’hospice, la Société Saint-Vincent de Paul et les Sœurs Grises réussissent à maintenir les services de repas et de lingerie dans un nouvel emplacement, connu sous le nom du Vestiaire des pauvres, sur la rue de la Commune. C’est en 1909 qu’une épatante figure prend la relève et se charge de l’organisme jusqu’en 1934 : Sœur Rose-de-Lima Bonneau. C’est d’ailleurs en son honneur que le centre sera rebaptisé en 1971. Encore aujourd’hui, des représentants des Sœurs Grises, des Sulpiciens et de la Société Saint-Vincent de Paul siègent au le conseil d’administration.

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Instaurée pour fournir repas et vêtements à « toute personne à risque d’itinérance », l’œuvre de bienfaisance s’est agrandie pour offrir des services de promotion humaine afin de donner aux itinérants l’indépendance nécessaire à leur insertion sociale. De plus, le service d’intervention psycho-sociale de l’Accueil Bonneau offre un service de gestion budgétaire régulière, une bonne manière de partir du bon pied pour atteindre une stabilité résidentielle. En tout, 225 personnes profitent de cette aide essentielle.

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Dans le bâtiment principal, une salle d’attente pour la salle à manger et une salle de jour pour les activités sociales sont mises à disposition de ceux dans le besoin. L’Accueil Bonneau compte aussi 165 chambres pour hommes réparties entre quatre résidences. Aubin Boudreault, directeur de l’Accueil depuis 2009 assure que tout un chacun peut bénéficier des repas. Par contre, les logements et les services d’intervention sont réservés à ceux qui remplissent certains critères –des gens en démarche de réinsertion sociale par exemple.

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Les bénévoles, ces piliers de l’organisation
Si les professionnels en intervention sociale sont employés de l’Accueil Bonneau, tous ceux aux services alimentaires accomplissent leur tâche d’une façon tout à fait bénévole. De tous âges, de toutes origines, de tous milieux, les volontaires sont précieux, surtout en hiver. « Durant le temps des Fêtes, il y a une nette augmentation de la demande pour le bénévolat. Il y aussi plus de dons. En fait, de la mi-décembre jusqu’à la fin mars, la générosité augmente avec le climat qui ne se fait pas clément », souligne le directeur Aubin Boudreault.

« Cela ne nous empêche pas d’avoir de l’achalandage à l’année », explique Normand Wallot, coordonateur aux services alimentaires. « Par exemple, pendant les belles journées d’été, où il est facile pour les itinérants de se déplacer à pied ou à bicyclette, on peut facilement atteindre 700 visiteurs en matinée. » La mobilité facilitée des itinérants dispersés dans la métropole, ajoutée au tourisme d’itinérance, peut prendre l’Accueil Bonneau de court. Normand Paris, le chef cuisinier, est bien d’accord quant au manque de bénévoles pendant la saison estivale : « Il nous arrive de n’être que deux dans la cuisine à faire à manger pour des centaines de personnes, mais on trouve toujours un moyen de nourrir tout le monde ».

Toutefois, pendant l’année scolaire, les jeunes bénévoles ne sont pas une denrée rare puisque les écoles secondaires mettent de plus en plus l’accent sur l’initiation au bénévolat en exigeant des étudiants qu’ils remplissent un certain nombre d’heures de travaux communautaires. Aubin Boudreault félicite cette initiative de plus en plus répandue : « Chaque jour, une douzaine d’étudiants viennent travailler pour l’Accueil Bonneau. En plus de leur instiguer une conscience sociale, leurs heures de bénévolat apportent une contribution non négligeable ». De plus,  ce qu’il y a de particulièrement encourageant, c’est lorsqu’un certain nombre de ces « volontaires obligés » reviennent donner un coup de main.

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D’hier à aujourd’hui
Cela fait une dizaine d’années que Normand Wallot travaille à l’Accueil Bonneau, mais sa vie stable d’aujourd’hui n’a pas toujours été ainsi. Il est lui-même un ancien itinérant. De ce fait, il est en position d’écouter et de comprendre ces gens qui demandent de l’aide. « Devenir itinérant n’arrive pas du jour au lendemain. C’est un processus au cours duquel tu n’arrives pas à gérer l’argent que tu as. Cela peut être dû à plusieurs facteurs, comme les drogues, l’alcool, ou le jeu. On aperçoit d’ailleurs une hausse de problèmes de santé mentale de nos jours. »

Normand a vécu sans domicile fixe pendant un an. « Le pire a été lorsque j’ai pris conscience que je n’avais plus aucune clé dans mes poches. Plus rien ne m’appartenait. » Il existe néanmoins un bon esprit de solidarité au sein de la communauté itinérante. « On se met tous au courant des endroits où on peut manger et se loger. Dans mon cas, j’ai toujours réussi à trouver des refuges pour la nuit. Et si on soigne son apparence, on peut passer ses journées dans les centres d’achats en hiver, afin de se garder au chaud. »

L’ancien itinérant a donc toujours eu, si l’on peut dire, de la chance dans sa malchance. « Il faut noter que ce n’est véritablement qu’une minorité des itinérants qui vivent dans la rue. Il s’agit du noyau dur de la communauté. Ce sont les plus vulnérables et les plus difficiles à approcher ». Ainsi, plusieurs peuvent, comme Normand, errer de refuge en refuge, alors que d’autres peuvent squatter des maisons vides ou des entrepôts abandonnés. « J’ai même connu quelqu’un qui vivait dans une vieille voiture stationnée dans un garage. On fait toujours preuve de créativité en temps de besoin ».

Gabriel Ellison-Snowcroft

Faune itinérante«Il n’existe pas de compétition entre les différents organismes d’aide aux itinérants », poursuit Monsieur Wallot, « chacun a sa spécialisation ». Ainsi, alors que l’Accueil Bonneau se concentre sur la provision de collations et de repas du midi, d’autres organismes peuvent veiller aux repas du soir et à l’accueil de bénéficiaires pour la nuit.

Ceci est aussi le cas en ce qui concerne l’âge des personnes en recherche d’aide. « Ici, à l’Accueil Bonneau, nous recevons surtout des gens entre 30 et 75 ans. Quand nous avons des jeunes entre 18 et 25 ans, nous les référons à d’autres organismes comme le Refuge des Jeunes. Un garçon qui réalise un petit méfait et qui est mis en prison avec des hommes qui ont fait des hold-up va commettre à son tour des hold-up en regagnant sa liberté, c’est pratiquement inévitable. Dans la même logique, on veut seulement que ces jeunes n’apprennent pas les mauvais coups des plus anciens. »

Beaucoup de cœur, de volonté et de générosité, voilà ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement de l’Accueil, mais ne nous leurrons pas ; rien n’est possible sans la participation monétaire des entreprises et des associations, mais surtout grâce au grand public. Collecter de l’argent requiert de la persévérance. D’après Aubin Boudreault « ce qui fonctionne le mieux en ce moment est la campagne de publipostage par laquelle les gens sont sollicités à la maison. Il faut maintenant développer plus du côté des entreprises ». Et il y a toujours de la place pour l’innovation : « La fondation qui prendra fonction dans les prochains mois permettra de lever des fonds d’une nouvelle manière », ajoute M. Boudreault. Normand Wallot explique, quant à lui, le succès de l’Accueil Bonneau par sa réputation : « Cela fait 130 ans que nous existons et au cours de ces années on a réussi à gagner la confiance du public grâce à notre bonne gestion. »

« L’Accueil Bonneau, c’est une institution montréalaise de 133 ans qui vous appartient », rappelle Aubin Boudreau, le directeur. « C’est le dernier filet de sécurité pour les personnes les plus démunies et c’est, par vos dons généreux, la multiplication des histoires de réussites. » Après un congé des Fêtes bien mérité, célébrons maintenant cette inspirante organisation qui a su changer pour le mieux de nombreuses vies.

Visitez le site de l’Accueil Bonneau au www​.accueilbonneau​.com pour savoir comment vous pouvez vous investir comme bénévole. 


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