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Le 9 janvier 2011 : nouveau pays ?

Après un demi-siècle de guerre civile, le Sud-Soudan doit décider de son sort de manière démocratique via un référendum sur son indépendance. Serons-nous témoins de la naissance d’un nouveau pays ?

Le 9 janvier 2011, journée décisive dans l’histoire africaine. L’enjeu : la fin du plus grand pays du continent et la création d’un nouvel État. Comme les Québécois en 1995, les Sud-Soudanais sont convoqués aux urnes cette semaine pour répondre à une question qui peut tout changer. Le taux élevé d’analphabétisme au sein de la population fait en sorte que la question ne peut pas être écrite. Les deux réponses possibles sont donc représentées par des symboles : une poignée de main en signe d’unité nationale signifie « oui », et une main ouverte symbolisant la sécession, « non ».

Ce désir de séparation est une conséquence directe d’une des plus longues guerres civiles en Afrique. Khalid Mustafa Medani, professeur à McGill et spécialiste de cette région, propose deux raisons qui pourraient être à la base du conflit entre le Nord et le Sud. Premièrement, les citoyens du Sud « n’ont plus confiance en le gouvernement du Nord ». Selon lui, « plusieurs promesses du Nord concernant l’augmentation d’autonomie et le partage des ressources naturelles depuis l’indépendance en 1956 ne se sont pas matérialisées ». En effet, les Sud-Soudanais ont l’impression « qu’ils ont été les vraies victimes de la terrible guerre, où presque deux millions de personnes –dont une majorité de civils– sont morts dans le Sud ». Deuxièmement, il affirme que nombreux sont ceux qui ressentent « une énorme division historique et culturelle entre les musulmans arabes du Nord et les Africains du Sud ». Sans oublier les pressions exercées par Khartoum vers une arabisation et une islamisation de la société sud-soudanaise, majoritairement chrétienne et animiste.

Raphaël Thézé | Le Délit
La date du référendum a été choisie lors de la signature des accords Naivasha qui mettaient fin à la deuxième guerre civile soudanaise. Cependant, les problèmes liés à l’organisation de cet événement sembleraient indiquer que le référendum du 9 janvier était trop précipité. En effet, selon Medani, « plusieurs individus, dont des gouvernements et des organismes internationaux, pensaient que la date aurait dû être repoussée ». Cependant, l’Armée populaire de la libération du Soudan (APLS) et les principaux dirigeants du gouvernement du Sud n’étaient pas prêts à se risquer. Ils avaient peur que la prolongation s’éternise, et que le référendum n’ait jamais lieu. Selon Medani, le Nord n’a aucun intérêt à libérer le Sud, étant donné que la richesse pétrolière du pays –le Soudan est actuellement le troisième plus grand exportateur de pétrole en Afrique– se trouve majoritairement dans le Sud.

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Plusieurs sondages internationaux semblent indiquer que la victoire du « oui » est inévitable. Toutefois, même si le gouvernement du Nord était « officiellement » obligé d’accorder la séparation, selon Medani, « ils ne vont pas facilement lâcher le pétrole qui se trouve au Sud ». En effet, il est très probable que plusieurs problèmes surgissent lors du processus de démarcation de la nouvelle frontière, et que le Nord « ne donne pas au Sud tout le territoire que sa population demande », ce qui sans aucun doute créerait des conflits entre les deux nouveaux pays. Medani établit un parallèle intéressant avec le référendum éthiopien de 1993 qui avait donné naissance à l’Érythrée. Malgré le fait que cet événement se soit déroulé pacifiquement, « ils continuent à avoir d’énormes conflits à cause des frontières ». Donc, le cas du Soudan pourrait mener, à long terme, à de gros problèmes, surtout parce que ce pays « est plus grand [que l’Éthiopie], beaucoup plus compliqué, et qu’il y a aussi le problème du pétrole ». Selon lui, « pour ceux qui se soucient du bien-être des gens du Sud et qui sont déterminés à résoudre le conflit, ou à éviter une nouvelle guerre, c’est très important de se poser ces questions pour le futur ».

Les conséquences de cette séparation ne se limiteraient pas à un conflit de frontières entre les deux nouveaux pays. Le conflit au Darfour se verrait sûrement très affecté par cette rupture. En effet, il est très probable que les discussions de paix entre les rebelles du Darfour et le gouvernement du Nord en sortent handicapées. Medani affirme que « les gens du Darfour ne veulent pas être indépendants, ils veulent plus de concessions politiques et économiques ». Par conséquent, la séparation du Sud ne ferait que les inciter à augmenter leurs demandes au gouvernement lors des négociations. D’après lui, « après la séparation du Sud, il sera difficile de trouver une résolution politique pacifique permanente au Darfour ».


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