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Allen et les amours illusoires

Dans You Will Meet a Tall Dark Stranger, l’humour grinçant de Woody Allen s’attaque à nos conceptions trompeuses de l’amour.

Différents personnages qui tentent de prendre en main leur frustration amoureuse dans un imbroglio de disputes, de séductions et de chimères : aucun doute, c’est de Woody Allen dont il s’agit. You Will Meet a Tall Dark Stranger transporte le spectateur dans les beaux quartiers londoniens pour y suivre les déceptions amoureuses de plusieurs couples en quête de bonheur. 

Alfie (Anthony Hopkins) quitte Helena (Gemma Jones) pour retrouver sa jeunesse perdue et finit par se marier à Charmaine (Lucy Punch), une call-girl de plusieurs décennies sa cadette. Désespérée, Helena se réfugie chez Cristal (Pauline Collins), une diseuse de bonne aventure qui lui fait perdre toute rationalité. Sally (Naomi Watts), leur fille, tombe sous le charme de son patron (Antonio Banderas) alors qu’elle est mariée à Roy (Josh Brolin). Le patron, lui, entretient une relation extraconjugale avec une jeune artiste que Sally lui a présentée. Roy, écrivain plus ou moins couronné de succès, passe ses journées à espionner sa mystérieuse voisine, Dia (Freida Pinto), sur le point de se marier. 

Détours, tromperies et ratages amoureux sont fidèlement au programme dans ce film divertissant qui est dans la veine habituelle de l’humour cinglant et bienveillant du réalisateur new-yorkais.

Généreux, You Will Meet a Tall Dark Stranger présente des personnages moins clichés qu’il n’y paraît, décrits avec indulgence par un humour clément. Charmaine, certes une racoleuse dépensière et infidèle, n’est pourtant pas sans cœur et sans scrupules. Alfie est attendrissant dans sa quête d’une jeunesse inatteignable et la compréhension finale de son probable échec. Roy, lui, est touchant de sincérité et d’ironie lorsque, installé chez Dia, c’est Sally qu’il observe se dénuder dans son ancienne chambre à coucher. 

Tous sont à la recherche de l’Amour et d’une vie parfaite, mais aucun n’est à l’abri des désillusions inhérentes à cette quête. L’erreur se loge peut-être justement dans ce manque de distance vis-à-vis de leurs propres rêves et ce besoin essentiel et insatiable d’un bonheur que certains perçoivent comme irréel. 

Le personnage de Roy est ironiquement significatif à cet égard, lorsqu’il se rend compte qu’il est davantage intrigué par le mystère de la femme nue de l’autre côté de la rue qu’amoureux de la femme en elle-même. Quelque soit la fenêtre d’où il regarde le monde, celui-ci lui semblera toujours plus attrayant que le sien. 

Ainsi, touché par l’ironie de la vie et ses concours de circonstances plus ou moins malencontreux, chaque personnage fait face à un destin qu’il est bien difficile de contrôler et se heurte inévitablement aux autres.
Fidèle à lui-même dans ses thématiques et sa réalisation, Woody Allen offre une fin ouverte. L’œuvre s’en trouve ainsi sublimée : l’important n’est pas de savoir comment les personnages feront face à leurs prochaines déceptions, mais plutôt de les voir prendre conscience que personne n’a de contrôle sur sa destinée et qu’il vaut décidément mieux en rire qu’en pleurer. En salle dès le 29 octobre.


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