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Palmarès, Palmarès, dis-moi qui est la plus belle des universités ?

Comme on dit « L’habit ne fait pas le moine » ou « Il ne faut pas juger un livre par sa couverture », l’Université McGill au premier rang ou au dernier rang, c’est devant ses étudiants qu’elle devrait vouloir s’afficher sous son meilleur jour, et non dans les palmarès. Mais pour ça, il faut peut-être lui rappeler qu’une université est composée d’étudiants et non de trophées et de médailles. 

Le verdict du plus récent des sondages sur les universités est tombé : McGill passe derrière l’Université de Toronto, et même derrière l’Université de la Colombie Britannique. Selon le Times Higher Education’s World University Rankings, McGill passe au trente-cinquième rang. De quels malheurs notre université a‑t-elle été accablée, elle qui était en dix-huitième position l’année dernière ? Réponse : aucun. 

La méthodologie qu’utilise les Times Higher Education (THE) et QS World University Rankings (QSWUR) est basée sur des variables tels que le ratio professeurs/étudiants, la quantité de ressources disponibles pour les étudiants et professeurs, la quantité d’articles publiés dans la littérature scientifique, le nombre de prix Nobel et la quantité de fois où les citations des universitaires sont reprises par d’autres. À chaque changement dans la pondération de ces critères, les universités dégringolent ou grimpent dans la liste. 

Un des aspects importants de ces palmarès est la réputation de l’université quant à la recherche et l’enseignement, telle que perçue par ses étudiants et son corps professoral. 

Dans le THE, par exemple, plus d’un tiers de l’évaluation tient à cette donnée. Résultat ? Plus une université paraît réussir, plus ses étudiants et ses professeurs croient évoluer au sein d’une université prestigieuse. Et si cette perception se maintient, la réputation augmente et l’université se hisse au haut des palmarès. Ainsi, les résultats ne sont pas tant
fondés sur des données concrètes liées à des faits pratiques, mais davantage à un sentiment de fierté et d’’appartenance à l’université. Tout débute avec un rêve de grandeur ? Mais à quel point ces aspirations deviennent-elles plus importantes que les faits ?

La barre des gagnants… avec ou sans les étudiants

Comme mentionné dans un récent communiqué, McGill se conçoit comme étant une « top-rated school in Canada ». Selon le QSWUR de 2010, McGill est dix-neuvième dans le monde, devant toutes les autres universités canadiennes. L’Université McGill ne mentionne pas cette position, et met davantage en valeur le fait que le dernier palmarès des facultés de droit du magazine Maclean’s la place au troisième rang au Canada pour l’enseignement de la Common Law et au premier rang pour le droit civil.

Si McGill présente souvent les résultats qui la mettent en valeur, elle semble retourner sa veste lorsqu’elle comparait devant la commission parlementaire de la culture et de l’éducation. En effet, Heather Munroe-Blum soulignait qu’à cause du manque de financement, les avancées sont fragiles et les succès incertains année après année. Pour escalader les rangs des palmarès qu’elle prenait peut-être pour acquis, le ministère devrait-il lui laisser faire ce qu’elle veut, notamment augmenter les frais de scolarité ?
Vaughan Dowie, chef des communications à l’Université McGill, dit qu’il ne faut pas voir dans le classement du THE une dégringolade de notre institution puisqu’une nouvelle méthodologie a été utilisée. « Pour nous, il s’agit donc de l’an zéro pour ce qui est de ce classement », ajoutant que la pondération pour chacun des critères étudiés a été revue.

Il est impératif pour McGill de figurer parmi les meilleurs dans le monde, essentiellement pour pouvoir attirer des étudiants internationaux (article en pages 8–9). L’université s’engage donc année après année à garder la réputation qu’elle a sur la scène internationale, quitte à masquer tous ces points noirs. Par exemple, en obligeant les étudiants à changer le nom de leur club pour que le nom de McGill n’y figure pas, au cas où le club projetterait une mauvaise image ou exprimerait des idées divergentes de celles de l’administration. Mais le risque n’est-il pas là de passer par-dessus ceux qui pourraient contribuer à embellir la réputation de l’université (prenons seulement Sexual Assault Center et Walk Safe)? Le Délit a dû lui aussi ce battre pour garder « Le seul journal francophone DE l’Université McGill ». McGill, université de langue anglophone dans une province francophone, ne devrait-elle pas montrer l’exemple en matière de bilinguisme et inciter ses étudiants à apprendre et maîtriser ses deux belles langues ? 

En agissant ainsi, McGill ne fait que creuser le fossé entre l’université et les étudiants et met ainsi en péril l’attachement que peuvent avoir ses étudiants à l’université et compromet sa réputation perçue par les étudiants –donnée importante dans les palmarès, rappelons-le– qu’elle chérit tant. Dans une entrevue accordée au McGill Tribune la semaine dernière, Mendelson a affirmé que le souci premier de l’université était de contrôler l’usage du nom McGill et d’assurer l’intégrité du nom et du logo. Ne soyez pas si inquiets, si vous faites partie des équipes gagnantes, vous avez plus de chance d’être aimés de McGill. L’argent n’est jamais bien propre, et dans le cas des équipes qui brillent, elle peut être plus sale qu’on ne le croit. Ainsi, vingt équipes ont été coupées de leur financement cette année (article en page 4). L’argent est réinvesti dans les sports emblématiques tel le football, mais dont les équipes ne sont pas assez performantes. 

Comme on dit « L’habit ne fait pas le moine » ou « Il ne faut pas juger un livre par sa couverture », l’Université McGill au premier rang ou au dernier rang, c’est devant ses étudiants qu’elle devrait vouloir s’afficher sous son meilleur jour, et non dans les palmarès. Mais pour ça, il faut peut-être lui rappeler qu’une université est composée d’étudiants et non de trophées et de médailles. 


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