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Surchargés mais soignés

L’état mental des étudiants de McGill semble être en meilleure forme que celui des travailleurs salariés.

Le jeudi 11 mars dernier, le Coeur des Sciences à l’UQAM présentait un colloque sur la santé mentale au travail. La discussion était nécessaire puisque le problème ne cesse de croître : chaque année 1,5 millions de québécois manquent le travail pour des raisons de santé mentale. Partout on entend parler de gens souffrant de « burn-out » parfois même avant la trentaine : l’épuisement professionnel en épargne peu, Les cinq panélistes ont tous évoqué les mêmes raisons, soit l’empressement d’augmenter la productivité à tout prix, la charge grandissante de travail, les ambiances « malades » et l’organisation du travail inadaptée. Conséquemment, les employés perdent le contrôle au travail, et dans leur tête. Ce sentiment de contrôle mais aussi de liberté, est essentiel à la survie dans le monde du travail.

Faisons nous face à un problème similaire, en tant qu’étudiants ? Selon Gilles Dupuis, directeur scientifique du Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP) et professeur au Département de psychologie de l’UQAM, on peut effectivement dresser des parallèles entre l’état de santé mentale des travailleurs et celui des étudiants « dans la mesure où [ces derniers] ont des travaux à produire et sont dans un environnement compétitif ». De plus, les problèmes personnels « hors-campus », peuvent exacerber le stress vécu en cours.

De plus, les employeurs et superviseurs sont autant victimes du stress que leurs employés ou étudiants. Ainsi M. Dupuis note que les professeurs ont des « dates d’échéance [et] plusieurs travaux, plusieurs rôles à coordonner. » Et cette tension est contagieuse : leur stress déteint sur les étudiants. Puisque l’institution ne priorise pas forcément le bien-être mental avant son propre bien-être financier, le professeur Dupuis voit la solution dans l’entraide étudiante. Il propose des « mouvements étudiants », des associations étudiantes qui se pencheraient sur la qualité de vie universitaire et qui pourraient représenter les intérêts des étudiants auprès de l’administration.

À McGill, il existe un Centre de santé mentale dédié exclusivement aux étudiants. Le docteur Robert E. Franck, directeur du Centre, nous fait part de quelques chiffres : 16 500 visites par an (sans compter près de 860 « drop-ins »), cela fait à peu près 70 à 90 visites par jour. Mais surtout, une augmentation de 1400 nouveaux patients par an. Parmi tous ceux-ci, 90% des malades présentent un diagnostic précis, en général, des problèmes de dépression ou d’anxiété. M. Franck admet que l’obligation de performer ressentie par les étudiants de l’université McGill peut prédisposer aux problèmes mentaux. En effet, en vertu de son statut, l’université sélectionne des étudiants « sur-performants et perfectionnistes », observe-t-il.

Le Professeur Dupuis et l’équipe du Centre de santé mentale opèrent sur un même « modèle de bien-être » dans leurs environnements respectifs. Le Centre étant financé par les Services Étudiants, les intéressés « doivent savoir que leur argent est mise à bonne contribution », insiste M. Dupuis. Ceci semble être le cas : en plus de renvoyer à de multiples organismes partenaires, le Centre emploie une dizaine de psychiatres et psychologues. Finalement, mieux desservis et surtout mieux écoutés que les travailleurs, nous restons des privilégiés, jusque chez le psy.


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