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L’Assemblée générale entretient la polémique

L’occupation de la Palestine et la légitimité de l’AG sont mis sur la sellette.

Éthique corporative : la motion passe dans la controverse

L’atmosphère était tendue mercredi soir dernier dans la cafétéria du bâtiment Shatner. Plus de 600 étudiants s’y étaient massés afin de faire entendre leur voix sur les motions mises au vote à l’Assemblée générale de l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM). Un étudiant y a d’abord demandé d’amender l’ordre du jour afin de donner priorité à la motion sur la création d’un comité de responsabilité sociale d’entreprise, mandaté pour évaluer le respect de l’éthique des « corporations avec lesquelles l’Université fait affaire ».

Khaled Kteily, un des signataires de la motion et membre de Solidarity for Palestinian Human Rights (SPHR), a pris la parole pour en exposer brièvement le contenu. Ce n’est pourtant qu’à la suite de questions répétées de la salle qu’il a explicité l’allusion à l’occupation illégale des territoires palestiniens, faite dans le préambule. Plusieurs groupes tels que Hillel McGill et le Comité des Affaires Politiques Canadiennes Juives (CAPCJ) se sont alors insurgés. Zach Paikin, membre du CAPCJ, s’est opposé aux clauses en argumentant que la CAPCJ est « en faveur de l’établissement d’une commission qui s’assure que McGill n’entretiennent pas de relations avec des entreprises qui ont des activités moralement douteuses, mais [est en désaccord] avec la diabolisation de l’État d’Israël qu’encouragent les prémisses. Ce serait érroné de diaboliser la seule démocratie du Moyen-Orient. »

Des pressions ont donc été exercées pour supprimer les clauses six et sept qui condamnaient l’occupation des territoires palestiniens. La tension est montée d’un cran : un individu a risqué de se faire expulser par la sécurité car il brandissait un drapeau israélien qui « incitait au vacarme », selon le Président de l’Assemblée, Zach Newburgh. Après une longue série de recours procéduraux hostiles, pourtant sans débat de fond, l’Assemblée a accepté d’enlever ces clauses et a adopté la motion par une simple majorité.

Un goût amer pour SPHR

La réaction du porteur de la motion Khaled Kteily était partagée. Il était déçu de constater « qu’il y avait des étudiants qui n’ont pas envie de débattre ou de s’engager dans une discussion intelligente. Encore une fois, les droits des Palestiniens, à l’Assemblé de mercredi, ont du faire face à des jurons, des huées et des insultes provenant d’une minorité très spécifique du corps étudiant. »

Samer Sefian, VP Externe de SPHR, s’inquiétait quant à lui du manque d’impartialité de l’AÉUM. « Il y avait clairement un conflit d’intérêt puisque Zach Newburgh est aussi le président de Hillel Montréal. En plus, nous faisions face à une forte opposition : nous avons même reçu des courriels désobligeants de plusieurs personnes, dont une personne nous révélant clairement qu’elle détestait cette motion », a expliqué M. Sefian.

Quant à Zach Paikin, il s’est dit être soulagé du résultat concernant cette motion : « Cette soirée est un grand succès : on a su unir les étudiants pour participer à des projets moraux. »

Autres motions : des débats plus étoffés

L’adoption des motions subséquentes a été ponctuée de débats plus nombreux. Sur la motion s’opposant au modèle de frais de scolarité autofinancés, Sebastian Ronderos-Morgan, VP Affaires externes de l’AÉUM, a expliqué que l’esprit de la motion « ne faisait pas exclusivement référence aux récentes hausses de frais de scolarité du MBA ». Elle vise plutôt toutes hausses potentielles dans les programmes à vocation professionnelle tels que le droit, la médecine et la médecine dentaire.

La motion sur les investissements de l’AÉUM ayant un lien avec l’industrie des sables bitumineux est passée avec une majorité simple, malgré les nombreuses inquiétudes soulevées quant à la faisabilité de l’affaire. Notons que la Banque royale du Canada, où l’AÉUM a investi plus de 200 000$, serait indirectement liée à ce genre d’industrie. C’est pourquoi Joël Pedneault, représentant de la Faculté des Arts à l’AÉUM, croit qu’il vaudrait mieux déplacer ces investissements vers les Caisses Desjardins.

La dernière motion, concernant la condamnation des groupes discriminatoires, incluant les groupes pro-vie, a été rejetée après de nombreux débats et suggestions d’amendement. Les auteurs l’avait défendue en arguant que « de tels groupes font réellement du tort aux femmes, en compromettant leur capacités à faire un choix éclairé, et en les soumettant à la honte publique ».

Les motions concernant l’opposition à toute augmentation des frais afférents, et à la restauration de machines GAB 5$ sur le campus ont toutes deux été approuvées sans trop de controverse.

Démocratie directe : question de légitimité

L’Assemblée générale (AG) semestrielle telle qu’on la connait aujourd’hui a été institutionnalisée en 2006. Auparavant, l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) n’organisait des AG que lors d’événements significatifs sur lesquels la population étudiante devait se prononcer.

La formule actuelle n’est certainement pas sans faille, rapporte Rebecca Dooley, VP Affaires universitaires. Elle soutient que l’adoption ou le rejet des motions présentées mercredi dernier « reposait ultimement sur le jugement de ceux qui étaient là au moment opportun ».

Défenseurs de l’abolition nette

Pour le comité éditorial du McGill Tribune, la solution passe par l’abolition des AG. « De deux choses l’une : soit une série de motions peu passionnantes –ayant souvent trait aux problèmes internes de l’AÉUM– n’attire pas suffisamment d’étudiants pour faire quorum, soit une ou deux motions controversées –ayant souvent trait aux affaires externes– attirent des partisans de deux partis irréconciliables, et jette l’AG dans le chaos,» souligne le McGill Tribune, dans son édition du 9 février. « Dans les deux cas, rien de productif n’en résulte. » Selon lui, l’adoption des motions en AG relève de la tyrannie d’une minorité obnubilée par son intérêt propre.

Mark Bay, représentant des résidences siégeant au comité exécutif de l’AÉUM, ajoute à ces critiques qu’au final, la tribune que se veut être l’AG marginalise des problématiques qui importent. Il cite en exemple la résolution ayant trait à l’abandon de transactions financières corporatives supportant l’extraction de sables bitumineux. Selon lui, elle a été peu discutée puisque « les étudiants présents ne pouvait plus attendre de rentrer à la maison, après les émotions renversantes provoquées par les propositions qui l’ont précédée. »

Dans le but d’améliorer l’aspect démocratique des Assemblées, le président de l’AÉUM, Ivan Neilson, prépare actuellement une proposition de réforme. Il planifie rendre plus difficile la proposition de motions ayant trait aux affaires externes à l’AÉUM. À l’instar de la question israélo-palestinienne, certains de ces enjeux divisent fondamentalement la communauté étudiante. Sa proposition de réforme devra être adoptée par voie de référendum par voie électronique plus tard cet hiver.

Pour consulter la liste des résolutions, référez-vous au ssmu​.mcgill​.ca/​ga/


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