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Mieux vaut en rire

La Licorne propose Au champ de Mars, une création de Pierre-Michel Tremblay dans laquelle on ose éviter de se prendre trop au sérieux.

Il ne suffit pas de quitter la guerre et de rentrer au bercail pour que la guerre, elle, vous laisse en paix. C’est ce qu’apprend malgré lui Éric, un jeune soldat qui a connu Kandahar et qui essaie tant bien que mal d’oublier ce qu’il y a vu. Guidé par sa psychiatre, il tente de se défaire de ses démons et de construire une nouvelle vie. Mais la partie ne sera pas si facilement gagnée…

Ce qui étonne avec Au champ de Mars, c’est la fraîcheur avec laquelle le sujet est traité. Il n’est pas évident de faire du nouveau avec un thème mille fois ressassé, et surtout un thème aussi grave, mais c’est là que l’auteur Pierre- Michel Tremblay parvient à surprendre. Ce qui aurait pu donner une pièce dramatique et grave est en fait complètement transformé par l’approche humoristique avec laquelle la question est abordée. Alors que le spectateur s’attend à être assommé de clichés et à plonger dans la lourdeur d’un débat éthique, c’est tout le contraire qui se produit : Tremblay, qui donne souvent dans l’humour, choisit judicieusement de nous faire rire plutôt que pleurer.

La pièce repose d’abord et avant tout sur des personnages sympathiques, incarnés par des acteurs de talent. Si Éric (Mathieu Quesnel) peut d’abord nous paraître difficile d’approche, on finit par s’attacher à lui et à voir au-delà de son air de dur à cuire. Rachel (Josée Deschênes) est sa psychiatre, une femme au bord de la crise de nerf et de l’épuisement professionnel, qui tente tant bien que mal de briser la carapace de son jeune patient. Deux personnages déjantés viennent se mêler à l’affaire : Antoine (Justin Laramée), un musicien disjoncté et pacifiste qui donne dans « l’électro-acoustique » et Marco (David Savard), un réalisateur égocentrique qui rêve de faire un film de guerre. Ajoutez à cela le fantôme d’un sergent dur et peu sympathique qui s’obstine à hanter le subconscient d’Éric, et vous verrez se profiler un amusant chassé-croisé.

Chaque comédien maîtrise son personnage à la perfection et sait s’approprier son langage, sa gestuelle et son caractère. Josée Deschênes fait sourire, Justin Laramée est irrésistiblement drôle, et David Savard, armé de son charisme habituel, séduit tout de suite.

La mise en scène, que l’on doit à Michel Monty, est plutôt simple et traditionnelle, mais Au champ de Mars demeure assurément efficace. Il y manquerait peut-être un petit quelque chose pour que la pièce soit véritablement marquante, un je-ne-saisquoi qui la rendrait mémorable, mais ses mécanismes sont bien articulés et, entre les acteurs et le public, le courant passe. On se serait passé de la conclusion un brin moraliste sur « les blessures qui ne se voient pas », mais tout ne peut pas être que rigolade. Une fois de plus, le Théâtre de la Manufacture parvient à nous convaincre de sa pertinence et de son originalité et continue d’offrir une programmation de qualité. On ne s’attendait pas à moins.

Au champ de Mars
Où : La Licorne, 4559 Papineau
Quand :
jusqu’au 6 mars
Combien : 17$ (étudiant)


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