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Maléfice en huit étapes

Martine Desjardins multiplie les confessions impies dans le roman Maléficium.

La petite maison d’édition Alto cumule les bons coups depuis ses débuts, en publiant les oeuvres de jeunes auteurs à la fois populaires auprès du public et encensés par la critique, tels que Rawi Hage et Nicolas Dickner. La nouvelle parution d’Alto s’insère dans un créneau peu touché jusqu’ici par la maison, celui du genre fantastique. Maleficium, le quatrième roman de Martine Desjardins, est en effet résolument tourné vers le monde occulte.

Comme les romans épistolaires du XVIIe siècle se donnant pour vrai, Maleficium se présente dans un « Avertissement au lecteur » comme la retranscription d’un authentique manuscrit, celui d’un certain abbé Savoie, prêtre mystérieux ayant terminé ses jours cloîtré dans un monastère après avoir été frappé de surdité. Il aurait couché sur papier des confessions si scandaleuses que de hautes instances religieuses auraient tout fait pour empêcher ces témoignages impies d’être diffusés. Voilà donc le lecteur bien averti.

Maleficium est composé de huit récits, qui suivent tous la même structure. Un homme, marqué d’une tare, se confie à un prêtre toujours silencieux, en lui racontant la mésaventure qui lui a valu son infirmité. Les péripéties se déroulent en différents lieux exotiques : Cachemire, Yémen, Perse… Chaque fois, la rencontre d’une mystérieuse femme au bec-de-lièvre est source de tous les maux et entraîne fatalement la chute de celui qui se prend dans ses rets maléfiques. Si l’envoûtante créature sait offrir à ceux qui s’en approchent les moyens d’obtenir ce qu’ils désirent le plus ardemment, le prix à payer pour détenir ces possessions est élevé.

Malgré les mises en garde et le titre du roman, les histoires proposées par Martine Desjardins ne feront mourir de peur aucune âme fragile. Mêlant l’imaginaire du conte québécois à celui des Mille et une nuits, l’auteure cherche davantage à ressusciter l’atmosphère exotique de contrées lointaines qu’à susciter de grands frissons. La sensualité, celle qui perd toutes les victimes de Maleficium, occupe le premier rang et de longs passages s’attardent à détailler toute la gamme de sensations que procurent l’odeur du safran ou la finesse d’un tapis persan.

La structure de Maleficium, en reproduisant encore et toujours le même récit sous des formes différentes, finit par lasser. Des transpositions qui semblent ingénieuses au départ ne le paraissent plus autant la sixième fois qu’on les rencontre. La langue, proche de celle qu’utilisait Théophile Gautier dans ses contes fantastiques, est soignée et évite l’abus de clichés ou la sentimentalité facile. Toutefois, quelque chose d’un peu trop propre se dégage de l’ensemble, qui ne parvient ni à choquer, ni à effrayer, en dépit de la promesse ambitieuse d’un voyage « aux limites des plaisirs et de la souffrance » qu’annonçait la quatrième de couverture.

Le livre est un honnête divertissement, mais il est décevant que ces variations sur un même thème, une fois la dernière page tournée, ne laissent pas une plus forte impression. 


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