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Majesté Go Home

Les souverainistes québécois tentent de perturber la venue à Montréal du Prince Charles et de son épouse Camila Parker Bowles.

En visite officielle au Canada, le Prince Charles avait prévu de faire un arrêt à Montréal le mardi 10 novembre dernier. C’était sans compter les nombreux militants souverainistes québécois. Ils n’avaient pas l’intention de laisser « le passéisme monarchiste envahir impunément » la métropole québécoise.

Dès 15h30, quelques centaines de manifestants s’étaient massés sur le trottoir opposé à la caserne du régiment « Black Watch », où le couple royal était attendu. C’est sous les drapeaux québécois, acadiens et même français que les militants souverainistes scandaient des slogans hostiles à la monarchie, à Ottawa et au Premier ministre québécois, Jean Charest.

Au même moment, les invités entraient dans l’armurerie du plus vieux régiment écossais de Montréal. Coquelicots au revers du veston et regards médusés, très peu ont accepté de s’exprimer. Michel Boire, vétéran du Black Watch, 43 ans de service et maître de cérémonie ce soir là, jouait les conciliateurs : « Nos soldats engagés en Afghanistan se battent pour préserver la liberté d’expression de ces manifestants. Ce sont mes concitoyens et je suis heureux qu’ils puissent exprimer leur opinion. C’est ça la démocratie. » Interrogé sur la pertinence de l’accueil d’un prince étranger comme s’il s’agissait du chef des armées, M. Boire rappelle qu’il s’agit du colonel-en-chef du régiment. « N’oublions pas que sa mère est notre chef d’État. »

De l’autre côté de la rue, les esprits s’échauffent. On a envie d’en découdre. Le mot passe rapidement : « À 17h, on traverse », un peu comme on monte au front. Effectivement, c’est d’un bloc que les deux à trois cent manifestants prennent possession de la rue de Bleury, qui sera peu après fermée à la circulation. Le Prince est attendu peu après 17h, mais la masse des manifestants empêche son arrivée. Un gradé de la Police de Montréal tente de s’adresser à la foule, mais les huées couvrent sa voix et les salves d’œufs et autres projectiles le contraignent à se réfugier à l’intérieur du bâtiment.

La rumeur se répand. « L’escouade anti-émeute s’en vient », annonce-t-on. Les manifestants, plus déterminés que jamais à réclamer « la démocratie pour le Québec », se galvanisent en clamant : « Le Québec, un pays ». Malgré l’arrivée impressionnante de l’escouade casquée, frappant en rythme matraque contre bouclier, les manifestants décident de s’asseoir au milieu de la rue. Un des meneurs déclare sous les objectifs de la presse, venue en nombre : « Nous avons trop plié, nous ne bougerons pas ! ». Après que les forces de l’ordre ont procédé à trois arrestations, la foule est repoussée de 200 mètres pour permettre l’arrivée, par une porte dérobée, du Prince de Galles et de la Duchesse de Cornouailles, avec 45 minutes de retard.

Quand on leur demande la nature de leurs revendications, les manifestants évoquent d’abord leur « dégoût pour une monarchie étrangère impérialiste qui n’a rien à faire dans ce pays ». Et à ceux qui pensent qu’il ne s’agit que de symboles, Patrick Bourgeois, Président du Réseau de Résistance du Québec (RRQ) et directeur du journal souverainiste Le Québécois, rétorque, mégaphone au poing, que « dans les luttes de libération nationale, les symboles sont fondamentaux ».

Pour les militants, un de ces symboles, c’est la déportation par les Britanniques, en 1755, de 12 500 Acadiens, parmi lesquels entre 7500 et 9000 sont morts. « Ces gens là ont du sang sur les mains », affirme Michelle, la soixantaine. Et comme l’explique un tract distribué dans la foule, elle s’indigne du refus royal de présenter des excuses.

Si elle précise qu’ils sont très difficiles à évaluer, Suzanne Morton, professuer spécialiste de l’histoire canadienne à McGill, confirme que ces chiffres correspondent au consensus historique. Elle rappelle cependant qu’une proclamation royale de 2003 a reconnu les torts de la couronne.

L’autre argument massivement employé mardi, c’était « le vol du référendum de 1995 », qui avait soumis aux suffrages la souveraineté du Québec. Des allégations de fraude ont entouré le scrutin, mais pour le Prof. Morton, « des enquêtes ont eu lieu. Le débat est clôs. »

Selon les organisateurs, la manifestation de mardi a été un succès. Elle a surtout permis au RRQ et aux autres groupes souverainistes de mesurer l’ampleur de la mobilisation, à l’heure où la lutte pour la loi 104 s’amplifie.


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