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Infesté

Après s’être mérité tous les prix pour son premier roman Parfum de poussières (De Niro’s Game), Rawi Hage revient à la charge avec Le cafard.

Dans Le cafard, l’auteur canadien d’origine libanaise nous transporte dans le quotidien médiocre d’un immigrant venu chercher dans ce pays de neige non pas une vie meilleure, mais une meilleure mort. Dans la froideur montréalaise, il déambule d’une rue à l’autre, anonyme, sans autre but que de fuir son appartement infesté de cafards, un animal auquel il s’identifie néanmoins. Rien ne réussit à celui qui se dit mi-humain, mi-blatte ; pas même son suicide, qui rate quand la branche de l’arbre auquel il voulait se pendre cède. Cet événement lui vaut par la suite de fréquentes rencontres avec la psy, Geneviève, rencontres qui font la lumière sur le passé de l’homme. Ainsi le lecteur découvre les problèmes familiaux de celui-ci, ses tentatives d’assassinat sur son beau-frère violent et les multiples vols qu’il commet avec son complice Abou- Roro. Entre ces rétrospectives et le récit du quotidien de l’hommecafard, le lecteur est également confronté à ses noires pensées et à ses pulsions sexuelles, lesquelles sont canalisées sur les quelques femmes qu’il côtoie. À mi-chemin entre le réel et l’hallucination, l’homme sans nom se mute en cafard, cet insecte aussi méprisable que dégoûtant. Sous cette forme, il infiltre la demeure d’autrui pour y prendre ce qui lui plait et acquiert une liberté que le corps humain ne lui permet pas. L’entourage de l’homme, loin d’être plus joyeux, présente différents visages de l’immigration : la belle Iranienne en quête d’émancipation, l’ancien journaliste devenu chauffeur de taxi ou le musicien qui vend de la drogue aux petits bourgeois de la métropole. Tout est échec et désillusion dans ce livre et pourtant, tout est étrangement réel.

Avec ce deuxième roman plutôt sombre, Hage captive son lecteur dès la première page. Malgré la noirceur des propos du livre, la plume de l’auteur fascine par sa richesse. Les divers éléments de l’histoire s’enchaînent avec une fluidité impressionnante qui garde le lecteur en haleine à chaque instant. La traduction en français, signée Sophie Voillot, parvient tout à fait à rendre la puissance du style de l’auteur. Vraiment, rien dans Le cafard ne peut arrêter le lecteur. Ce roman est la confirmation du talent de Hage qui, espérons-le, nous réservera d’autres belles surprises dans le futur. Si vous n’avez qu’un seul livre à lire cette saison, assurezvous de choisir Le cafard.

Le cafard
Par Rawi Hage
Traduction de Sophie Voillot
Éditions Alto
385 pages
25,95$


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