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À la défense du peuple

Back in the U.S.S.R.

En tant qu’intello-anarcho-matérialiste, j’entretiens une relation particulière avec les livres. Que je les achète neufs ou usagés, j’aime, lorsque je les lis (ou relis!) repérer les marques que j’ai laissées ou que les lecteurs qui m’ont précédée ont laissées sur les pages. Chaque tache de café, chaque empreinte digitale graisseuse, chaque signet, photo ou crotte de nez abandonnée entre les pages d’un livre raconte la relation qu’un lecteur a entretenue, à un certain moment, avec une oeuvre. En effet, il y a de ces oeuvres qui se dégustent avec un bon cornet de frites ; d’autres dont on ne touche les pages que très méticuleusement ; certaines qui sont indissociablement liées à une personne, un lieu ou un événement en particulier. Mon « plaisir coupable », hormis celui de lire au lit en mangeant des bonbons, est de collectionner les livres dédicacés –«À Claude… ce livre m’a beaucoup fait penser à toi, j’espère que tu l’aimeras. A.L.»– ou ornés d’un commentaire particulièrement touchant du lecteur sur la page de garde –«Être un bon père»– qui se sont retrouvés sur les tablettes d’une bouquinerie. Imaginer, à partir de ces inscriptions, le chemin parcouru par un livre et par ses divers lecteurs est une expérience unique.

Un livre est, pour moi, un objet quasi sacré, au sens où il occupe une place prédominante non seulement dans ma vie, mais aussi dans la Culture avec un grand « c ». Il ne sera donc pas étonnant pour vous, chers lecteurs, d’apprendre que j’ai certaines exigences quant aux librairies. Je les préfère petites, aux planchers de bois qui craquent sous le pied, et recelant une vague odeur de patchouli. Les employés y sont serviables, disponibles, cultivés, ils connaissent la marchandise qui y est vendue et peuvent conseiller ou renseigner les clients.

Vous pouvez donc comprendre que j’ai vécu une expérience cauchemardesque lorsque j’ai dû effectuer un achat dans l’une des grandes chaînes de librairies cet automne. Mes yeux s’adaptant mal à l’éclairage néon, il m’a été presque impossible de localiser un libraire dans la superficie surpeuplée du magasin, et presque tout aussi impossible d’en obtenir un service décent. En effet, difficile de se fier aux conseils de quelqu’un qui a été engagé pour ses habilités à tenir une caisse enregistreuse plutôt que pour ses connaissances littéraires. Encore plus difficile, donc, de trouver le bouquin que je cherchais, perdu dans une masse d’étalages de livres les plus divers, allant du dernier de Janette Bertrand au Guide de l’auto 2009, en passant par les derniers bestsellers de l’heure écrits par des maîtres incontestés tels que Dan Brown et Rafaëlle Germain.

Ceux qui partagent mon obsession pour les livres –ou tout simplement mon fort penchant anticapitaliste– comprendront que je ne peux encourager financièrement de telles entreprises qui ne conçoivent le livre qu’en termes de chiffre d’affaire. Je sais pertinemment que ces chaînes n’ont pas besoin de mon 19,95$ pour survivre ; il y aura toujours un Joe Blo pour acheter du Marie Laberge à sa madame chez Renaud- Bray. Mais –et ceux qui ne partagent pas mon avis peuvent bien m’enjoindre à aller faire la queue pour un gallon de lait en Union Soviétique– j’espère qu’il y en aura bien un ou deux dont la conscience sera tiraillée à la lecture de ce billet et qui suivront mon exemple, même en sachant qu’en bout de ligne, le chiffre d’affaire de ces messieurs Renaud et autres n’en souffrira guère. 

Nos librairies chéries

L’équipe Arts & Culture

Touchés jusqu’au fond du coeur par le billet incendiaire de Bicky, vous cherchez maintenant à vous sustenter dans des librairies dignes de ce nom ? Voici une liste non-exhaustive de nos chouchous :

Olivieri – 5219 Chemin De la Côte-des-Neiges

Si vous trouvez en vous le courage de traverser la montagne, visitez Olivieri. En plus d’un inventaire complet et d’une escouade d’employés serviables, vous y trouverez un bistro des plus charmants. Les amateurs de mondanités y assisteront pourront assiter à de nombreux lancements.

Le Port de tête – 262 Avenue Du Mont-Royal Est

La nouvelle librairie du Plateau : minuscule, intime, on y retrouve d’excellentes éditions usagées, des livres neufs, quelques B.D. et surtout, un service remarquable et tout en délicatesse. De nombreux lancements y ont lieu, et il vaut la peine de rester l’affût.

L’échange – 713 Avenue Du Mont-Royal Est

Mecque des adeptes de livres usagés, l’immense librairie accueille les acheteurs et les vendeurs dans ses locaux nouvellement rénovés.

Bonheur d’occasion – 4487 Rue De la Roche

Pour les amateurs de livres usagés, et aussi d’éditions rares, la charmante boutique est un détour obligé !

The Word – 469 Rue Milton

Tout près de l’université, on y trouve de tout, surout en anglais mais aussi en français. Ne vous laissez pas effrayer par l’air peu invitant des libraires ; une pléthore de trésors à un dollar et de surprenants ouvrages vous y attendent.

S.W. Welch – 225 Rue St-Viateur Ouest

Si vous cherchez à parfaire votre cultture littéraire dans la langue de Shakespeare, vous trouverez certainement de quoi lire dans cette charmante librairie pleine à craquer.

Drawn & Quaterly – 211 Rue Bernard Ouest

Dédiée aux bandes dessinées et aux romans graphiques, la librairie propose une sélection surtout anglophone. C’est aussi l’hôte de nombreux lancements et activités liées, de près ou de loin, à l’univers du 9e art. 


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