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De l’apathie, des intérêts et des portefeuilles

« L’assemblée générale de l’AÉUM : écourtée, reconduite » aurait pu être le titre de cet éditorial –pourtant, c’est celui d’un article publié par votre fidèle Délit le 16 octobre… 2007 ! Les difficultés à mobiliser les étudiants en nombre suffisant, et ce, pour toute la durée des Assemblées ne datent donc pas d’hier à l’AÉUM. Rappelons, pour la petite histoire, que les assemblées générales (AG) semestrielles ont été introduites dans la constitution de l’AÉUM en 2006, à la suite du grand succès de l’AG spéciale de grève tenue en 2005 dans la foulée de l’effervescente campagne pan-québécoise contre les coupures de 103$ millions dans le programme de prêts et bourses. Il faut dire que la mobilisation étudiante atteignait alors des sommets quasi-historiques, et McGill a « surfé » sur la vague. C’est dans ce contexte qu’un groupe d’étudiants a proposé, au printemps 2006, un amendement constitutionnel qui a rendu obligatoire la tenue d’une AG semestrielle. Les objectifs affirmés du comité à l’origine de la motion étaient de rendre l’AÉUM plus démocratique, plus accessible, moins bureaucratique. Il s’agissait également d’instaurer un mécanisme d’imputabilité pour les représentants étudiants qui prennent des décisions en nos noms.

Ce tout nouveau pouvoir –et cette nouvelle responsabilité– mise dans les mains des étudiants n’a toutefois pas eu le succès escompté ; la participation des membres est hautement inconstante depuis. Et c’est sans parler des divers groupes opposés à la démocratie directe qui ont, par le passé, oeuvré activement à délégitimer les assemblées générales en introduisant des motions scandaleusement impertinentes. Pourquoi cette apathie apparemment inflexible de la population estudiantine mcgilloise pour la démocratie directe ? Comment expliquer que des étudiants n’étreignent pas de tout corps ce pouvoir qui est placé entre leurs mains, et agissent ainsi dans leur désintérêt ?

Il est vrai que la culture des assemblées délibératives soit bien ancrée au Québec, mais pour ainsi dire étrangère aux associations étudiantes du Canada anglais d’où provient une grande part des mcgillois. Aucun doute non plus que nos élus ont leur part de responsabilité ; ils auraient pu et dû promouvoir davantage l’événement. Il y a certes eu des groupes Facebook, des annonces dans le Tribune et le McGill Daily (quoique pas dans Le Délit, allez leur demander pourquoi), des manipulations et remanipulations de l’ordre des motions à voter dans le but d’appâter le plus d’étudiants. Malgré tout, « ça a échoué », et la vice-présidente aux affaires internes, Alex Brown, était la première à en convenir tout de suite après avoir perdu le quorum. Même si l’AÉUM avait recouvert les murs d’affiches et multiplié les courriels, il nous apparaît peu probable que le résultat eut été différent. Bien que la plupart des motions soumises à la délibération étudiante soient louables (à la notable exception de celle visant à installer des postes de travail dans les toilettes!), ce ne sont pas des enjeux d’envergure suffisante pour faire déplacer plusieurs centaines d’étudiants tous aussi débordés les uns que les autres. La démocratie participative est un processus noble et nécessaire, mais peu d’entre nous ont le temps de passer plusieurs heures à discuter de questions dont l’impact sera contingent.

Si l’AÉUM souhaite réellement être la « voix officielle » des étudiants du premier cycle et, en corollaire, galvaniser la participation de ses membres, il n’y a pas trente-six solutions : il faut donner un pouvoir réel à cette instance et toucher les étudiants là où ça compte, c’est-àdire dans le portefeuille. Portefeuille réservé, à l’heure actuelle, exclusivement aux membres présents aux conseils législatifs essentiellement « parce que les personnes qui s’y trouvent maîtrisent les dossiers » dit Rebecca Dooley, VP affaires universitaires. Maîtrise des dossiers ou pas, c’est au conseil exécutif de vulgariser les dossiers cruciaux, aux retombées significatives, pour que nous en débattions avec eux. Concrètement, l’AG devrait être l’instance où les grandes orientations et les grands mandats de l’AÉUM sont décidés, incluant les grandes lignes budgétaires.

Le président Neilson croit qu’au final, c’est peut-être seulement parce qu’«ils n’y voient pas l’intérêt » que les étudiants désertent l’AG. Il ne reste qu’à le leur donner, l’intérêt.


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