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Se mettre le nez dans les plats

Cette année, le Délit et ses journalistes se proposent de partir à la recherche de hauts lieux inusités à Montréal. La cible de cette semaine : les restaurants.Premier dossier d’une série de trois.

Œuvre de Chefs

Concept, ce Kitchen Galerie l’est définitivement. Toutefois, n’allez pas chercher trop loin : pas de flafla ni de chichi dans ce petit resto. Et avis aux férus d’art qui pourraient se laisser tromper par le nom de l’endroit, on n’y expose aucune œuvre qui vaille le détour. De toute façon, les clients ont un spectacle bien plus singulier à se mettre sous la dent : trois chefs qui, des fourneaux au service en passant par la réception, s’occupent de tout et d’une bien belle façon. Le voilà, le concept.

Jean-Philippe Saint-Denis, Matthieu Cloutier et Axel Meulin, les trois jeunes chefs et copropriétaires du lieu, réussissent jour après jour le tour de force qui consiste à servir des plats de grande qualité à une petite foule toujours au rendez-vous, et ce, sans intermédiaire. Vous l’aurez déjà compris, donc : le soir, nos trois acolytes se passent de tout ce qui est serveur, hôtesse ou garçon de table. Ce qui rend le concept encore plus emballant, c’est que le jour, les chefs se rendent au marché Jean-Talon (à 200 mètres du resto) où, selon leur inspiration et ce qu’ils trouvent sur place, ils confectionnent le menu du soir. Comme si le travail des chefs ne relevait pas déjà de l’exploit, la carte change donc tous les jours –exception faite de l’énorme côte de bœuf servie dans une assiette tout aussi démesurée, à partager à deux, entre amateurs de viande.

Les plats dont nous nous sommes délectés, de l’entrée au dessert, ne figureront donc probablement pas sur la carte lors de votre prochaine visite. Un portrait du menu du jour peut tout de même vous donner une idée de ce qu’on y mange. En entrée, en plus des classiques foie gras et huîtres de saison, une croquette de saumon et un pâté de bison figuraient entre autres au menu. Mon complice et moi avons opté pour ces deux derniers. La croquette, accompagnée d’une sauce crémeuse à base de Riopelle, le fameux fromage de l’Île-aux-Grues, était croustillante à l’extérieur et tendre à l’intérieur. Bref, une exquise réinvention de ce plat traditionnel québécois qu’est le pâté de saumon. Dans un tout autre registre, le pâté de bison, servi avec un chutney de betteraves, était également délicieux. Pour ce qui est des plats principaux, nous avons tous deux choisi d’opter pour de la viande (par souci d’accord avec le vin), excluant ainsi malheureusement de notre festin l’appétissante aile de raie au beurre. Nos choix se sont arrêtés sur le magret de canard aux légumes de saison et les ris de veau sauce au porto. Les ris, servis en beaux et gros morceaux sur un étonnant lit de maïs en grains à peine poêlé et accompagné de lardons, étaient tout simplement les meilleurs que j’aie mangés de ma vie. Le canard, par contre, était un peu décevant. En effet, vu la façon dont il était servi, le magret aurait sûrement gagné à être en « croûte de sel », comme on dit. La sauce, quant à elle, manquait d’un élément sucré.

Œnophiles, sachez que le Kitchen Galerie a une très belle carte des vins où figurent plusieurs produits issus d’importations privées, donc introuvables à la SAQ. Finalement, il importe de préciser que la table d’hôte est prescrite, ce qui veut dire qu’on ne peut manger en ce lieu sans prendre entrée et dessert. Mais les prix sont tout de même très raisonnables. Comptez environ 40$ par personne avant boissons, taxes et service.

Quant au « pourquoi » du concept, Axel Meulin explique que, outre l’attrait de la proximité avec les clients, la principale raison était d’ordre monétaire : en récoltant les pourboires, les trois chefs gagnent un salaire digne du travail qu’ils accomplissent –ce qui est loin d’être le cas de tous les cuisiniers et chefs de cette ville.

Enfin, si vous vous asseyez au petit bar, vous aurez le plaisir de vivre un de ces moments uniques où un des chefs vous demande ce que vous désirez boire au même moment où il passe une crème brûlée au chalumeau. Je vous recommande chaleureusement ce restaurant.

Kitchen Galerie
Où : Arrondissement Rosemont – La Petite-Patrie
60, rue Jean-Talon Est
514–315-8994

Sans risques, ni périls !

Pour plusieurs personnes souffrant d’allergies alimentaires, prendre un repas dans un restaurant peut relever du cauchemar : on ne peut jamais leur garantir l’absence de tel ou tel produit, et souvent, elles finissent par se contenter d’un verre d’eau. Cette époque est révolue puisque depuis février 2009, Zéro8 offre un menu varié dépourvu des huit allergènes les plus communs,  soient les poissons et fruits de mer, les arachides, les noix, les graines de sésame, le lait, les œufs et le blé (et tout autre grain comprenant du gluten).

« Ce concept spécial est unique en Amérique du Nord », m’explique Dominique Dion, président-cofondateur du resto-bar. Il y a quelques années, M. Dion a commencé à souffrir d’intolérance au lactose et au gluten. Cela n’a toutefois pas refoulé sa passion pour la restauration et la bonne bouffe. Il y a plutôt vu une merveilleuse occasion de joindre l’utile à l’agréable et de créer ce concept innovateur, rendant ainsi service à des milliers de personnes qui ont maintenant l’opportunité de savourer un bon repas l’esprit tranquille. Si les affaires du restaurant vont bon train, il reste que le plus grand défi de M. Dion est de se faire connaître auprès de la population souffrant d’allergies. Les allergies alimentaires pouvant être mortelles, la création d’un tel restaurant représente une grosse responsabilité. Le Zéro8 s’est donné pour mission de garantir l’absence totale de ces huit allergènes, ce qui oblige les responsables à visiter régulièrement les manufactures des fournisseurs pour leur rappeler les risques encourus s’ils n’étaient pas suffisamment rigoureux quant à l’exclusion de ces substances proscrites.

Il ne faut cependant pas penser que la clientèle se limite qu’aux « intolérants » ! Situé sur Saint-Denis, en plein cœur du Quartier Latin, le resto accueille plusieurs clients qui s’y arrêtent sans connaître la particularité du lieu –même si la majeure partie de la clientèle est composée de personnes allergiques. De plus, la variété du menu en étonnerait plusieurs. Même si certains ingrédients comme le lait et les œufs semblent essentiels à la préparation de nombreux mets, les chefs cuisiniers du Zéro8 ont prouvé leur savoir-faire et leur créativité quant à la conception de recettes sans allergènes, donnant dans la gastronomie européenne avec une touche de cuisine du monde.

Je m’attendais à ce que ces contraintes et ces responsabilités fassent dangereusement grimper le montant de la facture, mais c’est tout le contraire : Zéro8 a choisi de prioriser l’accessibilité pour sa clientèle. Les prix oscillent entre 12,50$ pour des pâtes aux tomates et basilic et 22,50$ pour un steak de canard. Sandwiches, salades, grillades, chacun y trouvera son compte, y compris les enfants puisque le Zéro8 leur propose aussi un menu.

* * *

Plus d’un quart de million de Québécois souffrent d’allergies alimentaires.
On estime qu’environ 300 000 personnes au Québec ont des allergies alimentaires (4 % de la population).
Dans les écoles primaires, 40 000 enfants québécois sont atteints d’allergies alimentaires.
Près d’un million de personnes au Canada souffrent d’allergies alimentaires.
Source : AQAA (Association Québécoise des Allergies Alimentaires)

Zéro8
Où : Arrondissement Ville-Marie
1735, rue St-Denis
514–658-5552

Les Îles sur l’île

Si vous avez déjà pris des vacances au Québec –ou si vous vivez ici depuis longtemps– et que vous n’avez jamais visité cet endroit magique, vous manquez quelque chose. Mais de toute façon, on vous l’a sûrement déjà dit. Et si vous y êtes déjà allé, vous n’avez qu’une seule envie, c’est d’y retourner. Ces dunes à perte de vue, ces maisons aux couleurs vives, cette belle mer agitée et surtout, ces habitants chaleureux qui n’ont leur pareil dans aucune autre région. Vous l’aurez sûrement deviné, il s’agit des Îles-de-la-Madeleine. J’y suis moi-même allé il y a de cela quelques années, à un âge où l’on ne retient justement que la couleur des maisons, l’agitation de la mer, le vent omniprésent et la bonne humeur contagieuse des Madelinots. Une composante incontournable des Îles m’avait donc échappé : ce qu’on y mange.

Heureusement, depuis un peu moins d’un an, un établissement tenu par des Madelinots d’origine ou d’adoption permet aux Montréalais de goûter à la culture des Îles sans avoir à traverser les quelque 1000 kilomètres qui séparent notre île de la leur. En plus, si vous sortez rarement du « Ghetto McGill » et des quartiers centraux, une visite aux Îles en ville vous permettra aussi d’explorer un coin de Montréal en pleine transformation, mais qui reste encore trop souvent négligé : l’arrondissement de Verdun.

Il suffit de franchir le pas de la porte pour se retrouver un peu aux Îles. L’endroit sent la mer. Le bois et les couleurs vives dominent… et l’ambiance est véritablement à s’y méprendre. La foule, composée en bonne partie de Madelinots expatriés, est bruyante. Le service aussi l’est par moment. N’allez donc pas là si vous cherchez raffinement, élégance et service impeccable. Un repas aux Îles en ville, c’est un peu comme si vous mangiez dans la salle à manger chez Ginette, Jeannot, Martin ou Andrée ; tous Madelinots d’origine sauf Andrée, restauratrice, qui est tombée en amour avec ce coin de pays. Le samedi, en prime, vous aurez droit à des chansonniers pour ajouter à l’ambiance.

Dans l’assiette, c’est un peu comme l’ambiance, c’est-à-dire à la bonne franquette. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne mange pas bien aux Îles en ville. Loin de là ! En plus des traditionnelles joues de morue, de la soupe aux fruits de mer, du homard (si c’est de saison) et des beignets de morue, on peut y déguster un aliment rare, le loup marin. Pour ceux qui l’ignoreraient, l’expression loup-marin, communément utilisée dans les Îles, désigne un phoque. À éviter donc pour les disciples de Brigitte Bardot et de Paul McCartney. Pour les autres, n’hésitez pas à jeter votre dévolu sur ce plat typique et très bien apprêté ici (ce qui est, paraît-il, assez difficile).

En plus d’être un restaurant plus qu’accueillant, les Îles en ville représente un bon plan pour les petits budgets. Comptez une vingtaine de dollars par personne pour  la table d’hôte du soir (avant boissons, taxes et service).

Les Îles en ville
Où : Arrondissement de Verdun
5335, rue Wellington
514–544-0854


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