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Coco sans Chanel

Audrey Tautou incarne au grand écran l’une des plus célèbres stylistes du XXe siècle, Coco Chanel.

Réalisé par Anne Fontaine d’après le roman L’Irrégulière ou L’Itinéraire Chanel d’Edmond Charles-Roux, Coco avant Chanel raconte les années de jeunesse de la très célèbre créatrice et styliste de mode, jusqu’à son premier défilé majeur. Audrey Tautou assure le premier rôle de cette biographie incomplète aux côtés de Benoît Poelvoorde, qui interprète Étienne Balsan, son premier amant et protecteur, et d’Alessandro Nivola Arthur Boy Capel, son premier amour.

Le film s’ouvre sur la petite Gabrielle et sa sœur alors âgées de dix et onze ans, que l’on transporte dans un orphelinat. Dès les premières scènes, la réalisatrice évoque la solitude de la jeune Gabrielle et son incompréhension du monde contemporain. Plongés depuis à peine quelques minutes dans l’enfance de Gabrielle, les spectateurs sont amenés dans le Cabaret Moulin, où elle et sa sœur chanteront pour divertir le public. Gabrielle y fait la connaissance d’Étienne Balsan, un richissime homme d’affaires chez qui elle habitera après avoir quitté le Cabaret.

Son désir de créer non pas une nouvelle mode, mais simplement une nouvelle façon de porter le chapeau féminin, commence à prendre forme à cette époque alors qu’elle est en contact direct avec l’aristocratie du début du siècle.

Sa tenue vestimentaire androgyne et son attitude considérée peu féminine selon les conventions de l’époque seront la cause d’un malaise dans le milieu de Balsan. Parallèlement, Coco saura se faire aimer en raison même de sa singularité. Elle commencera par modifier les chapeaux de quelques aristocrates, ce qui la mènera à rencontrer Arthur Boy Capel qui l’aidera dans l’ouverture d’un magasin de chapeaux nouveau genre. Il sera son premier amour et la cause de sa première −et immense− détresse.

On assiste à la lente montée de cette nouvelle femme à la parole aiguisée, au style masculin, au caractère têtu ; on la voit dans diverses scènes insérées ici et là dessiner une robe, découper une manche, attacher un bouton, transformant le style dans le désir de le simplifier. Une idéologie politique s’exprime derrière cette volonté de déconstruction : celle de rendre libre le corps de la femme en retirant tout corset ou jupon, tout chapeau fleuri et plumé, tout bijou doré et autres accessoires hérités des siècles précédents.

Si Coco avant Chanel se donne comme objectif de montrer la jeunesse, ou plutôt la genèse, d’une créatrice aux idées révolutionnaires dans le domaine de la mode, le spectateur se lasse assez rapidement de ces aventures amoureuses et sexuelles qu’on raconte beaucoup trop en détails pendant la quasi totalité du film. Par contre, une Audrey Tautou au charisme débordant fait preuve d’une maîtrise de l’identité d’un personnage singulier et nous donne l’illusion, à certains moments, que la fiction a fait place à la réalité.

Coco avant Chanel réussit donc fort bien à tracer les contours du caractère complexe de Gabrielle Chanel, surtout et presque entièrement par rapport à sa vie sentimentale, mais nous laisse sur notre faim en ce qui a trait à son processus créateur, à ses convictions profondes, à l’influence qu’elle aura sur l’image de la femme et sur la modernité. Et c’est seulement à la dernière scène, lors du défilé sur le célèbre escalier rue Cambon, que le spectateur sent la maturité de Coco Chanel ; pendant tout le film, on n’assiste qu’à sa naissance.


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