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Débat muselé à l’Assemblée générale

Faisant usage des Robert’s Rules of Order, certains étudiants sont parvenus à faire ajourner indéfiniment le débat sur la motion controversée sur Gaza.

L’Assemblée générale annuelle de l’Association étudiante (AÉUM) a rempli la cafétéria de l’édifice Shatner à pleine capacité, soit 675 personnes, pendant qu’une centaine de personnes attendaient à l’extérieur sans espoir de rentrer en raison des règlements de sécurité. Dès le début, l’assemblée était impatiente de discuter d’une motion qui avait été placée à la fin de l’ordre du jour, et qui condamnait le bombardement des établissements d’enseignement de Gaza. Un délégué de l’assemblée a même proposé dès le début que la question soit traitée avant toute autre, mais la présidente de l’assemblée a rappelé que les Robert’s Rules of Order (règles qui assurent le bon fonctionnement d’une assemblée) ne le permettaient pas, puisque l’ordre du jour avait déjà été adopté.

L’assemblée a donc traité des questions suivant l’ordre du jour. D’abord, la présidente Kay Turner a livré un rapport où elle exposait les activités de l’AÉUM pendant la dernière année. Elle a entre autres discuté du nouveau site Internet de l’association. Elle a également mentionné dans son rapport que l’accessibilité francophone et le bilinguisme « ont été un point central cette année, plus particulièrement en s’assurant que les annonces publicitaires soient bilingues et en travaillant avec la commission des affaires francophones ». Par contre, le site de l’association demeure toujours unilingue. Turner a également répondu à une question de la foule portant sur la constitutionnalité des motions. On sentait que le débat sur la motion serait virulent.

L’assemblée a tout de même débattu des motions qui portaient sur des sujets moins contentieux, à savoir sur le fait que la rectrice de l’Université McGill soit nommée « Impératrice Munroe-Blum » et que le Premier vice-principal exécutif adjoint soit dénommé « Darth Mendelson » dans toutes les publications de l’AÉUM, selon le thème Star Wars. Cette motion n’a pas été adoptée, mais une minorité considérable de l’assemblée penchait en sa faveur. Dans la même optique, l’assemblée a adopté une motion qui demandait que les étudiants se promenant sans pantalons le troisième vendredi du mois ne soient pas condamnés par les administrateurs de l’université. Sur une autre note, l’assemblée a adopté une motion qui demande à l’AÉUM de faire pression auprès de l’université pour bannir la recherche scientifique en vue de construire des armes militaires, et une motion portant sur l’élimination de la distribution et de la vente d’eau en bouteille dans le bâtiment de l’association étudiante.

Le moment tant attendu est finalement arrivé et la motion portant sur Gaza a été présentée devant la foule comme défendant « un droit humain de base à l’éducation, peu importe où il est invoqué dans le monde ». Après une brève introduction, les Robert’s Rules of Order ont été utilisés par le groupe opposant la motion afin de limiter, même de faire cesser les débats. Première tactique : objection à considérer. Cette technique des Robert’s Rules of Order, une fois soulevée par un membre de l’assemblée, requiert un vote des trois quarts de l’assemblée qui, si elle se prononce favorablement, met fin aux débats sur la question. La présidente de l’assemblée a demandé à l’assistance de se diviser littéralement en deux, les pour à gauche, les contre à droite, à la demande d’un membre qui exigeait une « division » physique de l’assemblée pour mieux comptabiliser les votes sur l’objection à considérer.

N’ayant pas obtenu les trois quarts des voix, le groupe a tenté sa chance une fois de plus. Deuxième tactique : ajourner indéfiniment. Cette technique, qui requiert une majorité simple des voix, reporte le débat à une date indéfinie. Sur cette question, l’assemblée a adopté la motion : 436 voix en faveur contre 263. En raison de cet ajournement, l’assemblée n’a pas pu débattre du fond de la question. Dina Awad, une étudiante qui a assisté à l’assemblée, se dit « décue de voir que les étudiants ont voulu étouffer le débat sur le sujet, qu’ils ne voulaient même pas aborder la question des droits humains ». Elle poursuit en disant que c’est « anti-démocratique et que cela va à l’encontre de l’esprit critique que suscite la question partout au monde ». Reste à voir si le débat aura lieu dans un autre contexte.


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