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Ignatieff carbure au pétrole

Michael Ignatieff compte s’inviter à la Maison Blanche. Sa carte de visite ? Le pétrole albertain.

« Toute question de politique énergétique en est une d’unité nationale », a lancé un Michael Ignatieff invité par les étudiants des Hautes études commerciales (HEC), dans un discours manifestement huilé pour les circonstances. Rappelons que M. Ignatieff avait surpris lors de la dernière course à la chefferie libérale, en évoquant une réouverture possible du dossier constitutionnel. Il n’hésite plus désormais à replacer ses pions vers l’ouest : « Les sables bitumineux vont entièrement transformer le positionnement stratégique du Canada au XXIe siècle. Cela signifie que l’on écoutera le premier ministre [canadien] lorsqu’il ira à la Maison Blanche. » Et rendant le message encore plus clair, il ajoute : « On n’est pas dans une compétition contre l’Alberta. Quand il s’agit de politique économique, on ne devrait pas opposer une région à l’autre. » C’est ainsi que selon le chef libéral, les problèmes économiques et environnementaux du Canada s’estompent derrière la nécessité de l’unité nationale : « À cause du fait français, il a fallu réfléchir très fort, pour savoir faire vivre ensemble une majorité et une minorité. Le défi principal n’est pas économique ou environnemental, il est politique. »

Après avoir essuyé d’une langue de bois quelques questions de l’audience portant sur l’«innovation » dans le milieu des affaires, M. Ignatieff a présenté sa vision de l’innovation politique. « Je ne veux pas réinventer la roue. La gouverneure générale a bien servi le Canada ». Il se montre conciliant, face au ressentiment de l’Ouest canadien envers l’idée d’un gouvernement de coalition. Malgré la légitimité d’une telle alliance, dans le système parlementaire britannique, il tient à préciser : « Une chose que je ne vais pas faire, c’est insulter la vision démocratique des gens de l’Ouest ». Le « Plan vert » proposé par Stéphane Dion est donc mort au feuilleton. Lorsqu’on lui demande d’un ton léger s’il compte le « réduire, le réutiliser, ou le recycler », M. Ignatieff  se contente d’un rire éloquent.

En ces temps de tourmente économique, on a cherché à savoir si les libéraux comptent réformer les règles du marché financier. Il n’est pas question, pour l’instant, de revoir la loi sur les valeurs mobilières afin d’abolir les particularités provinciales. « Un gouvernement libéral aurait des problèmes plus importants à régler », tranche-t-il. Il se montre toutefois ouvert à des changements modestes : « Harmonisation, oui, centralisation, non ».

M. Ignatieff voit par ailleurs en l’élection d’Obama un signal d’espoir, qu’il tempère toutefois en rappelant les défis que le nouveau président aura à relever. Pour lui, « la question capitale est de savoir si Obama va créer des institutions pour rendre la mondialisation plus juste, et maîtriser les changements climatiques », déclaration émise pendant qu’opinait Justin Trudeau, présent dans la salle. Il soutient, à cet égard, que le Canada « a un rôle à jouer », mais que le leadership des États-Unis est primordial. Si les sables bitumineux lui ouvrent les portes de Washington, doit-on comprendre qu’il pourra déléguer à l’administration américaine les questions « économiques et environnementales », pendant qu’il s’occupe de « politique » ? Silence.


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