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Le chef qui a perdu ses plumes

Rassemblement devant le bureau de Jean Charest pour le respect des droits des Algonquins du Lac Barrière.

Jeudi dernier, des sympathisants de la communauté autochtone algonquienne du lac Barrière se sont rassemblés devant le bureau du premier ministre Jean Charest pour dénoncer les conditions de vie précaires qui sont les leurs. L’origine de l’action remonte à l’automne dernier, lorsque des membres de cette communauté des Hautes-Laurentides a manifesté, à deux reprises et de façon pacifique, leur mécontentement face à l’action des gouvernements fédéral et provincial par le blocage de la route 117. Lors de la deuxième manifestation, la Sûreté du Québec a délogé les manifestants au moyen de gaz lacrymogènes et de poivre de Cayenne. Leur intervention musclée s’est soldée par l’hospitalisation d’un membre de la communauté et par l’emprisonnement de quelques manifestants, dont le chef coutumier intérimaire de la communauté, Benjamin Nottaway.

Depuis mars 2008, le gouvernement canadien ne reconnaît plus M. Nottaway comme étant le chef intérimaire et refuse de respecter « le système coutumier de gouvernance utilisé par la communauté pour élire leurs représentants », comme l’indique le communiqué de presse de la communauté.

En plus de dénoncer la répression policière, Luc Tailleur, représentant national autochtone pour le comité d’accès à l’égalité de l’Alliance de la Fonction Publique du Canada (AFPC) et représentant national pour le Cercle des peuples autochtones de l’AFPC, laisse transparaître son effarement face à la « pauvreté, l’insalubrité et la crise du logement » que connaît cette communauté de 450 habitants.

M. Tailleur a précisé que « 90 p. cent de la population vit de l’aide de dernier recours » et que « la communauté n’a pas d’eau courante ni d’électricité », malgré la présence d’un barrage à proximité et du réseau électrique installé à partir dudit barrage.

Alors que les quelques manifestants qui bravaient le froid jeudi dernier scandaient « Tenez vos paroles » ou « Libérez Nottaway », Sonny Papatie, 25 ans, seul membre de la communauté présent, racontait que toute sa famille vit de l’assistance sociale et a souligné la « situation extrême » dans laquelle se trouve sa communauté. C’est son père, Vincent Papatie, qui a commencé le mouvement de revendication luttant pour leurs droits. « Personne ne nous a aidés. Le gouvernement ne connaît pas les conditions dans lesquelles nous vivons puisque personne n’est venu dans notre communauté », affirme M. Papatie.

M. Tailleur indique que c’est tout d’abord « la libération de Benjamin Nottaway que nous demandons et, dans un deuxième temps, nous dénonçons les conditions de vie [de la communauté]». Il explique que le gouvernement « dérobe le territoire » et que, des 100 millions de dollars qui ont été générés depuis les dix dernières années dans la région par les activités de déforestation, tourisme et autres, aucune somme n’a été versée à la communauté.

La communauté demande que le gouvernement fédéral mette en application l’Entente trilatérale de 1991, un accord de développement durable et de paritarisme des ressources, encouragé par les Nations Unies et la Commission Royale sur les Peuples Autochtones. Mais le gouvernement s’est tout simplement retiré de cette entente en 2001.

Pour M. Papatie, « le gouvernement a le pouvoir de changer notre situation ». M. Tailleur, plus sceptique, indique que la « communauté du lac Barrière est sous la tutelle du gouvernement », et qualifie  l’attitude du gouvernement à leur endroit de « paternaliste ».

Récemment, la Couronne a exigé que l’incarcération de Benjamin Nottaway soit prolongée à un an de prison ; ce à quoi M. Tailleur rétorque qu’il est comme un « prisonnier politique ». Quant au sort de la communauté, il insiste qu’il faut « mettre le bien de cette population en avant-plan parce que c’est une question de justice sociale. » Sonny Papatie, lui, dit que sa communauté « est laissée en arrière par le monde moderne » du fait de l’action du gouvernement.


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