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À bas la civilisation, vive la barbarie !

Le bruit d’Anonymus rejoint la poésie de Mononc’ Serge. Résultat : Musique barbare, un album barbare et répugnant.

Ça faisait une couple d’années que nos fans nous demandaient quand est-ce qu’on allait faire un retour ensemble. On nous le demandait même en France », affirme d’entrée de jeu le batteur d’Anonymus, Carlos Araya, au sujet de leur réunion avec Mononc’ Serge. Le public, en effet, n’a eu cesse d’en redemander depuis la jouissive Académie du massacre (2003). « Quand Serge nous a contactés, fin 2007, pour nous proposer des nouvelles chansons, on a dit oui tout de suite. En écoutant ses démos, on était morts de rire ! », ajoute-t-il. Du plaisir, les gars d’Anonymus assurent en avoir eu, en déclamant la poésie lyrique de Mononc’ Serge, notamment dans un passage fort réussi, où les comparses chantent, sur l’air du « Yellow Submarine », qu’«ils sont plein de marde dans leur sous-marin brun ». Ou encore lorsque Mononc’ livre ses réflexions métaphysiques sur la situation de la femme moderne : « Heille fille, quand j’te dis qu’t’es pas pire, ç’t’un bon point pour toé ça. Ça veut dire que t’es fourrable ».

Virage au volant

Le tournant vers la fureur scatologique et le bruit peuvent étonner, de la part d’un parolier qui nous avait habitués à quelque chose de plus sage —mais certes peu sérieux— avec Serge blanc d’Amérique. Surtout que Mononc’ Serge, de son propre aveu, « en avait assez du public de party », qui n’était pas toujours prêt à l’écouter comme le chansonnier qu’il considère être. « J’ai pratiquement arrêté de faire des shows solo à cause de ça », confie-t-il. Il assure cependant qu’un public turbulent peut être « ben l’fun », lorsque le style musical s’y prête. « Ça dépend du contexte », conclut-il.

Il faut dire que cette fois, il n’y va pas de main morte. « Je ne me suis pas soucié de contrebalancer le côté méchant avec des préoccupations morales », lance-t-il, frondeur. Il joue à fond la carte de la bêtise, entre autres dans son ode aux colons de Saint-Jérôme, intitulée « Pas pire », dont il a fait un vidéoclip. « Je nous voyais bien incarner cette gang de morons-là ! », s’exclame-t-il en riant.

Les arroseurs arrosés

L’artiste, connu pour ses prises de position souverainistes, surprend avec une chanson railleuse sur René Lévesque. Il explique cependant que « ce n’est pas une toune contre René Lévesque », mais qu’il en a plutôt contre ceux qui, à toutes les sauces, « le récupèrent, même les fédéralistes ». Même s’il prétend « ne pas rationaliser sa démarche », il est prêt à confirmer qu’il inflige à René Lévesque le même traitement qu’il a infligé au Canada, avec « Fédéraliste ».

C’est peut-être aussi contre lui-même que se retourne sa démarche. Bien qu’il ait visé une plus grande « unité » avec Musique Barbare, celle-ci consiste souvent en un agglomérat de grossièretés plus qu’en un réel projet, tel que celui qu’il avait présenté dans son Voyage au Canada. La barbarie de la musique d’Anonymus, quant à elle, jaillit de part et d’autre, sans l’aspect plus mélodieux de l’Académie du massacre, qui convenait mieux aux textes de Mononc’ Serge. La verve du duo infernal reste toutefois redoutable. Ils sont de ces rares artistes qui savent nous enivrer, même quand le résultat n’est pas exactement à la hauteur de nos attentes.

Pour la fuite des choses (et des gaz)

Mononc’ Serge garde toutefois une oreille pour ceux qui s’élèveraient contre la « brunification » à outrance : « C’est sûr que ces critiques-là, ça me travaille ». Il « s’enligne pour ben du bruit en 2009 », mais évoque déjà un retour aux sources. « J’aimerais ça arriver en 2010 avec un album plus acoustique, peut-être pas plus sage, mais avec plus de tounes comme “Le lac Saint-Jean”». Avec Musique Barbare, on a quand même de quoi rire, en attendant que l’odeur de flatulence se dissipe !


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