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Plaisirs démodés

Je n’ai jamais été cool. J’ai toujours aimé des trucs un peu marginaux, qui ne correspondent pas nécessairement aux stricts critères de ce qui est in dictés par notre chère société médiatisée. À treize ans, par exemple, alors que mes amis apprenaient à jouer de la guitare ou de la batterie, moi je m’intéressais à l’accordéon et à ses valses musettes. Je vous propose donc cette semaine une intrusion dans le monde de mes petits plaisirs démodés !

J’assistais, la semaine dernière, à la soirée Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, qui marquait la fin du Festival international de la littérature de Montréal. En regardant ces comédiens déclamer des textes de Rimbaud, d’Éluard, de Miron et de bien d’autres ‑connus et moins connus‑, je n’ai pu rester indifférente. J’ai frissonné, j’ai laissé échapper quelques larmes, j’ai ri aux éclats… Puis, une fois sortie de la Cinquième Salle, après avoir vu se matérialiser devant moi la passion pour la littérature qui habitait chacun des artistes présents, ça m’a frappée : je venais de passer par une gamme d’émotions intenses en écoutant de la poésie.

Le genre poétique, autrefois vénéré, a pris une bien petite place dans le monde littéraire moderne, duquel il a été éclipsé par le roman. C’est comme si on avait fini de s’extasier devant la beauté des mots. Sur les bancs d’école, les œuvres poétiques au programme provoquent soupirs et découragement chez les élèves. Je le sais, je faisais moi-même partie de ces écoliers exaspérés, et ce n’est que relativement récemment que je me suis laissée séduire par la poésie. Le problème, c’est qu’elle a mauvaise presse. Elle connote automatiquement un univers à la fois hermétique et dépassé qui, franchement, n’a rien pour plaire à la jeunesse éprise de consommation-éclair.

Il est impératif d’en finir avec l’idée que la poésie est élitiste et peu accessible. S’il est vrai qu’elle était autrefois le genre-roi en littérature, il n’y a plus de place aujourd’hui pour le snobisme littéraire. Et, ici, je m’adresse autant aux littéraires qu’aux amateurs. Les classiques peuvent être lus par tous, et autrement. Ce n’est pas qu’une histoire d’intellos. Soulignons aussi que le genre poétique ne se limite pas qu’aux grandes figures comme Hugo, Verlaine et Nelligan. Les mots vibrants de Grand Corps Malade et de Loco Locass, c’est aussi de la poésie ! Cessons donc de croire que le poème est un texte ennuyeux et difficile. C’est au contraire une célébration de la beauté de la langue, c’est la création d’images uniques. Elle existe sous une infinité de formes et de styles. On a le droit de la lire pour le plaisir, sans tout comprendre, d’en prendre et d’en laisser, d’aimer des passages et d’en détester d’autres. Ce qui la rend belle, c’est qu’elle touche, qu’elle émeut, qu’elle rejoint le lecteur d’une manière spécifique, sans, souvent, qu’il soit capable d’expliquer pourquoi.

Cette semaine, donc, soyez out : lisez de la poésie et émerveillez-vous. Et puisque vous y êtes, tricotez-vous un foulard pour l’automne qui s’annonce froid, et fouillez dans les vieux disques de vos parents. Vous verrez, ça ne fait pas si mal de n’être pas cool.


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